Le sous-titre pose d’emblée la question : « Vers un nouveau totalitarisme ? », mais nul ne s’y trompera. Gore Vidal n’a pas attendu le 11 septembre 2001 ni les législations qui en ont nerveusement découlé pour critiquer la conception que se fait de la démocratie le pouvoir exécutif états-unien. Même si le bouquin est un peu échevelé, en raison par exemple de l’espace qu’il consacre à Timothy McVeigh, la charge atteint la cible. Peut-être plus qu’on le soupçonne au départ. En effet, ce n’est pas seulement l’administration Bush qui est convoquée à la barre, mais un impérialisme américain dont les traces, selon Gore Vidal, apparaissaient déjà il y a plusieurs décennies. C’est par dizaines, en tout cas, que l’auteur identifie les interventions militaires « préventives » que les États-Unis se sont permises entre Pearl Harbor et septembre 2001. En ce sens, Bush a peu inventé.
Gore Vidal ne minimise pas l’importance de septembre 2001, mais les atteintes aux libertés civiques commises par l’administration américaine lui paraissent infiniment plus graves que les attentats eux-mêmes. De même qu’il ne lésine pas en condamnant une certaine hypocrisie : « Bien que nous stigmatisions régulièrement d’autres sociétés en les traitant d’États voyous, nous sommes nous-mêmes devenus le plus grand de tous les États voyous ». Excessif ou non, le verdict démontre la permanence, en ces temps conformistes, d’une belle capacité de rébellion chez quelques admirables entêtés.