C’est par les souvenirs d’un vieil homme, Steponas Daumantas et, dans une moindre mesure, de ceux de sa blanchisseuse, Svetlana, que Stephan Collishaw a choisi de nous présenter une page de l’histoire lithuanienne récente. « Rue du Gaon, une plaque relate la manière dont les groupes de juifs ont été emmenés hors du ghetto à travers les portes qui se trouvaient là. Ils quittaient leur maison pour les forêts, en dehors de la ville, pour les forêts profondes d’où ils ne reviendraient jamais. Pour Ponar. »
Professeur à la retraite, écrivain dont l’inspiration s’est tarie, Steponas a troqué la plume pour la caméra. Obsédé par son sujet, il erre dans les rues de Vilnius et photographie de jeunes mères avec de petits enfants. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Jolanta et de sa fille, Rasa. Lorsque ses yeux croisent le regard de la jeune mère dans une église où, fatigué, il s’est arrêté, il est pétrifié : « Ce regard me hante depuis cinquante ans ».
On connaît bien les rafles de 1942 à Paris, l’opération « Vent printanier », le Vél’d’Hiv, le camp de Drancy d’où sont partis tant de convois vers Auschwitz. On connaît sans doute moins le drame des juifs de Vilnius. Pourtant, le modus operandi est le même : humiliation, brutalité, dépouillement, rafles et départ pour Ponar, où plus de 100 000 juifs furent massacrés par les nazis.
Premier roman de l’Anglais Stephan Collishaw, La dernière femme de ma vieest un drame personnel sur fond de drame collectif. Avec une vibrante sensibilité, Collishaw a écrit une histoire déchirante mais magnifique où les désastres de l’Histoire et les douloureux sentiments de culpabilité et de honte alternent. Voilà un écrivain de premier plan dont je lirai les prochains romans.