Aborder le drame vécu au Rwanda en 1994 n’est pas une mince tâche. Les manifestations de la violence qui s’exerce un peu partout ont atteint là un sommet, que le « plus jamais » qu’avaient suscité les horreurs du nazisme aurait dû prévenir.
Ce qui s’est passé au Rwanda a semblé incompréhensible à la plupart d’entre nous… qui avons sans nous en rendre compte véhiculé les explications (?) les plus grossières de ce terrible carnage. Horrifiée elle-même de ce qu’elle a vu, un an après le drame pourtant, Dominique Payette s’est employée à démêler les fils enchevêtrés de l’événement.
Que le génocide des « Tutsis » ait été préparé de longue date, enclenché au moment choisi, à la suite, et accompagné, d’une action de propagande menée grand train, le monde en est maintenant informé. Ce qu’on sait moins, et l’essai de Dominique Payette nous éclaire là-dessus, c’est le point de départ de cette ruée intestine dans une population de réputation pacifique dont les divergences n’étaient pas évidentes.
Nous saurons d’abord que la division des Rwandais entre ethnie « hutu » et ethnie « tutsi » a été créée de toutes pièces par les colonisateurs belges qui ont réparti officiellement la population sous ces deux étiquettes, qui ne correspondent à aucune réalité, sauf celle qu’a cru reconnaître quelque anthropologue, à partir peut-être d’anciens déplacements de populations depuis longtemps intégrées. Cette différence officialisée, nous verrons comment elle fut exploitée, et la peur qu’elle engendra.
En 1994, la machine se mettait en branle soutenue par des campagnes radiophoniques incendiaires. On arme les « Hutus », on leur fournit des listes de noms, on les convainc que les « Tutsis » les menacent… et l’Église, très présente dans le pays, n’essaie pas d’enrayer le mouvement, au contraire semble-t-il,… et les organismes internationaux prévenus très tôt n’interviennent pas… et les militaires belges, français, onusiens quittent le pays.
Le tableau est ici brossé à grands traits, mais Dominique Payette a fait le tour de la question. Son livre est bouleversant… et nécessaire. Les « plus jamais » le seront-ils un jour ?