Depuis près d’une quinzaine d’années, Neil Bissoondath met en scène des personnages ballottés par les petites et les grandes fureurs des événements sociaux et politiques. Et c’est encore au cœur de la tourmente que se retrouve Arun, personnage principal de son dernier roman. Mais alors que ses œuvres de fiction précédentes – romans et recueils de nouvelles – avaient pour décor Toronto, Montréal ou un petit pays des Caraïbes ressemblant beaucoup à son Trinidad natal, l’histoire tragique de La clameur des ténèbres se déroule dans une petite île au large des Indes.
Tout jeune instituteur à peine sorti de l’université et issu d’un milieu aisé, Arun obtient, à sa demande, un poste dans le sud du pays. Il souhaite ainsi s’éloigner des souvenirs du drame qui a brisé sa famille : ses parents ont péri dans un attentat lorsque leur avion a explosé au-dessus de l’océan. Arun quitte donc sa sœur et le beau-frère qui a repris l’imprimerie familiale pour tenter, vaille que vaille, de scolariser un groupe d’enfants de tous âges et très souvent mutilés. Car ce village du sud de l’île survit comme il peut, coincé entre les rebelles terroristes en guerre contre le pouvoir central et l’armée, installée en permanence, qui demeure incapable d’endiguer l’insurrection. Convaincu d’apporter un peu d’espoir aux nouvelles générations de cette région pauvre et laissée pour compte par les politiciens – même ceux qui y sont nés -, Arun s’entête. Mais l’attentat de l’autocar du village, où avait pris place une de ses meilleures élèves, marque un tournant décisif dans sa façon de voir les choses jusqu’à ce que, à son tour, il se retrouve, au-delà des apparences et des secrets, au cœur même de la violence.
Plus lent dans sa première partie, le rythme de La clameur des ténèbres s’intensifie par la suite alors que les événements tragiques se précipitent. Un roman dur qui n’apporte pas de réponse à la folie des hommes – tel n’est d’ailleurs pas son but, au contraire – mais ouvre toutes grandes les portes de la réflexion sur des sujets malheureusement toujours d’actualité : la violence est-elle inéluctable, la dignité humaine, négociable et la paix, possible ?