Pour notre plus grand bonheur, les éditions Actes Sud publiaient récemment, en collaboration avec Leméac, La chasse aux étoiles de Hella S. Haasse. Paru en 1950 dans le journal Het Parool en 95 épisodes, le roman a conservé le rythme haletant du feuilleton et propose une suite d’événements tantôt cocasses, tantôt inquiétants (souvent les deux à la fois), où se côtoient l’appel du merveilleux et la grisaille du quotidien.
L’histoire commence un soir de la Saint-Nicolas alors que notre héros, Casper-Jan van der Sevensterre, reçoit une mystérieuse étoile de grenats accompagnée d’un poème. Sans famille et sans le sou, celui-ci entreprendra alors sa chasse, une chasse aux étoiles. Il sera également, à plus d’une occasion, lui-même pris en chasse, puisque ces étoiles sont convoitées par nombre de personnages plus intrigants les uns que les autres. Or, outre le rythme effréné auquel s’enchaînent, s’entrecroisent et se dénouent les péripéties, ce qui fait de La chasse aux étoiles une aventure aussi palpitante, c’est peut-être d’abord Casper-Jan lui-même. D’ailleurs, telle est la manière dont il se décrit : « Je suis aventureux, intrépide, tenace, énergique, j’ai de l’imagination, de l’idéalisme et l’amour de la vérité, trois qualités généralement inconciliables, je suis intelligent, j’ai un caractère enjoué, gai, agréable… en un mot, je ne suis pas n’importe qui ».
Il est en effet fascinant d’observer, épisode après épisode, l’ingéniosité avec laquelle ce pas-n’importe-qui fait face au monde nouveau qui s’offre à lui. Généreux, à la fois rêveur et pragmatique, porté par un inébranlable amour de la liberté, il ne cessera de défier « l’instinct moutonnier » des hommes afin de repousser les limites du possible.
Aussi cette chasse aux étoiles, qu’il semble prendre un tel plaisir à nous raconter, devient-elle une sorte de conte pour adultes. Le récit, son souffle, nous font revivre le bonheur puéril des samedis matin de dessins animés, le plaisir qu’on éprouvait, enfant, à se laisser bercer par les histoires qui nous étaient contées. Et rien n’est plus rassurant que de constater que cette joie et cet abandon soient encore à notre portée – souvent lointains, souvent introuvables, parfois oubliés… mais jamais tout à fait morts.
L’auteure, décédée il y a peu de temps, ne pouvait rêver d’un plus bel héritage à laisser.