L’histoire exhaustive de la chanson québécoise reste encore à écrire et à documenter ; ce livre magnifique et presque inespéré fait néanmoins revivre notre première boîte à chansons, La Butte à Mathieu, située dans les Laurentides, au nord de Montréal. Entre 1959 et 1975, des centaines de chansonniers du Québec s’y produisent : Félix Leclerc, Raymond Lévesque, Claude Gauthier, même Yvon Deschamps et le quatuor humoristique Les Cyniques, mais aussi des artistes de talent trop vite oubliés : Christian Larsen, Monique Miville-Deschênes, Pierre Létourneau, Georges Dor, Donald Lautrec, les Bozos, et tant d’autres. L’édifice ressemble à une grange ; les spectateurs sont attablés en petits groupes ; la scène semble plutôt réduite et permet peu d’amplification, mais l’effervescence y est perceptible ! Or, ce lieu rustique qui fonctionne sans subventions est déficitaire et doit changer de vocation après 1976. L’endroit sera démoli en 2006 ; toutefois, le Centre culturel de Val-David lui consacre une exposition dès 1995 : Les mémoires de La Butte à Mathieu.
Ce livre passionnant ne fait pas que vendre de la nostalgie à bas prix, la liste des artistes s’y étant produits (fournie en annexe) en fait un document d’archives unique sur l’histoire de notre chanson québécoise alors à son apogée.
L’écrivain Sylvain Rivière a demandé au fondateur du lieu, Gilles Mathieu, de partager ses souvenirs. De nombreux témoignages d’artistes ont aussi été inclus : ceux de Jean-Paul Filion, Georges Langford, Claude Léveillée, Pierre Calvé, Louise Forestier. Le texte est vivant ; la documentation réunie avec l’aide de Robert Thérien est abondante et inédite : photographies d’époque, lettres, manuscrits, coupures de journaux. La couverture du livre détonne cependant par rapport à la qualité de l’ouvrage et à ses illustrations.
On apprécie l’apport parfois sous-estimé de La Butte à Mathieu dans l’histoire culturelle du Québec. Auparavant, seulement quelques disques (comme le formidable 33-tours Raymond Lévesque à La Butte à Mathieu, enregistré en 1965) et des souvenirs pouvaient témoigner du dynamisme de cette salle de spectacle et d’exposition, qui servait à l’occasion de scène pour des pièces de théâtre.
Cette mine de renseignements et d’images comble une lacune.