Même si le mot haïku est bien connu aujourd’hui, il n’en est pas de même, semble-t-il, pour le mot kukaï. Un kukaï est une rencontre d’amateurs de haïkus qui s’adonnent à la lecture et à l’écriture de ce court poème d’origine japonaise et en discutent. André Vézina a été accueilli en 2006 au sein du Kukaï de Québec par Abigail Friedman, qui avait été initiée à cet art au Japon par une célèbre haïjin (auteure de haïkus). Conquis par la philosophie de la vie qui accompagne cette poésie, il participa dès lors aux réunions mensuelles. Pour composer ce recueil, il a choisi 168 haïkus écrits par 31 auteurs, parmi les 286 coups de cœur sélectionnés par le groupe.
Il rappelle dans son avant-propos que l’esprit du haïku est proche de celui de l’ikebana, la voie des fleurs, car celles-ci symbolisent à la fois la beauté et la fuite du temps. Dans la première partie du livre, intitulée « Presque rien », la nature est présente dans des détails qui échapperaient à celui qui ne serait pas attentif. André Vézina célèbre l’équilibre fragile d’une goutte de pluie « sur la pointe d’une feuille ». Jeannine St-Amand, à la page suivante, observe une feuille morte qui se laisse bercer « dans la toile d’araignée ». Les poèmes s’enchaînent avec fluidité, bien qu’ils soient écrits par différents auteurs.
Les haïjins pratiquent volontiers les correspondances des sens chères à Baudelaire. « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent », écrivait l’auteur des Fleurs du mal, et on pourrait dire que c’est ainsi dans le haïku.
Claire Bergeron écrit que « le cri du huard / déchire la brume ». Ailleurs, André Vézina nous fait part du bonheur qu’il éprouve au printemps à « écouter la neige fondre ». Quant à Andrée Paradis, elle nous confie qu’elle écrit le nom de celui qu’elle aime « sur la fenêtre embuée ». Dans la deuxième partie de l’ouvrage, intitulée « Quelque part », le lieu est à deviner à partir du contexte. Ainsi, André Vézina nous montre un enfant qui, de « retour de vacances », a des galets dans ses poches pour la marelle, mais c’est à nous d’imaginer le bord de mer où il les a ramassés. Nous ne saurons pas davantage dans quel parc Renée Simard observe « un livre feuilleté / par le vent ». C’est à la fois la précision dans l’évocation de menus détails et l’imprécision dans la situation des lieux qui font le charme de ces poèmes, car le lecteur a tout le loisir de se projeter dans ce qui est ainsi suggéré.
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