« Marx n’est pas mort… » En effet, l’auteur de cet ouvrage nous montre que les études marxiennes sont toujours pertinentes en regard de notre monde néolibéral, « postmarxiste ». Ne pensons qu’au capitalisme mondialisé, se croyant sans ennemis, exacerbant ce qu’il y a d’autodestructeur en l’humain. Par ailleurs, les « idées reçues » qui gangrènent la pensée marxienne sont, dans cet essai, hardiment décapées afin de mettre en lumière les fondements de la pensée de Marx, sa pertinence pour la deuxième moitié du XXe siècle et le début du nôtre. Yvon Quiniou fait ainsi surgir la richesse d’une démarche intellectuelle toujours capable de déceler les aliénations qui nous cernent de toutes parts.
Marx a écrit quelque part : « Tout ce que je sais, c’est que moi, je ne suis pas marxiste ». Aurait-il décrié les dérives horrifiques qui ont caractérisé le marxisme-léninisme, et tout ce qui a pu contribuer à figer une pensée constamment en mouvement ? C’est ce qu’effectue Quiniou en distinguant la pensée « marxienne », qui est un discours reflétant la pensée de Marx, insistant sur ses nuances et son évolution, de celle des « marxologues », qui sont des spécialistes de la théorie, de l’œuvre de Marx, mais qui n’adhèrent pas nécessairement à son projet d’émancipation ou ne se prononcent pas sur sa « valeur », et du « marxisme », une version de la pensée de Marx qui est perçue comme la seule valide. Il est surtout important de garder en mémoire que si Marx a bousculé les enjeux sociaux et idéologiques de son époque, il le fait encore grandement si l’on sait bien le lire… et sans que l’on soit obligatoirement marxiste ! Si « l’humanité ne se pose jamais que des problèmes qu’elle peut résoudre », la pensée marxienne semblerait encore avoir sa place ; il est difficile d’en douter… Ce petit volume est vraiment saisissant sur ce plan.
Rappelons que Marx a insisté sur le fait que l’être humain, tant dans son acception individuelle que sociale, a la capacité de s’améliorer, de se transformer en affrontant le réel qui l’abêtit – ce qui devrait l’obliger à capter les « racines de [son] propre malheur ». Un communisme « vrai » serait-il en mesure de permettre qu’une « démocratie réelle » puisse s’infiltrer qualitativement dans l’espace économique, social, politique, idéologique, culturel autant qu’écologique ? C’est une large perspective sur l’humain que nous invite à explorer Yvon Quiniou. Ce dernier est membre du comité de rédaction de la revue Actuel Marx, éditée aux PUF, qui incarne le renouveau des études marxiennes contemporaines.