À quoi ressemblerait le monde si l’Amérique n’existait pas ? Cette étrange question, que lui lance un jour un étranger dans un avion le ramenant une fois de plus à New York, ne cessera d’attiser la curiosité de Jean-Paul Dubois à l’égard des États-Unis. « Y avait-il jamais eu, écrit ce dernier, dans l’Histoire, un pays qui ait à ce point pesé sur chaque parcelle de cette terre ? Une nation dotée d’une telle densité économique, qui ait influencé toute la vie de la planète, y imprimant sa marque, imposant sa musique, sa nourriture, ses distractions, son mode de vie, ses vices, ses valeurs, ses visions, ses armées, et ne laissant d’autre choix aux habitants de ce monde que cette vague impression de végéter dans l’ombre terne et alanguie des colonies ? »
Initialement publiés dans Le Nouvel Observateur de 1996 à 2001, les textes regroupés sous le titre on ne peut plus évocateur de Jusque-là tout allait bien en Amérique sont la suite chronologique de L’Amérique m’inquiète qui faisait également écho aux rencontres et événements singuliers qui ont retenu l’attention de Jean-Paul Dubois au cours de ses pérégrinations au pays de l’oncle Sam. Par exemple, saviez-vous qu’il y a en Amérique 65 millions d’hectares de pelouses, soit une superficie supérieure à celle de toute autre culture ? Un directeur de prison oblige ses pensionnaires à revêtir des caleçons roses afin d’éviter que les prisonniers ne troquent leurs vêtements à l’extérieur. Des promoteurs immobiliers vendent au plus offrant des parcelles de Lune, et trouvent acheteurs. Plus de cinq cents personnes attendent jour après jour dans les couloirs de la mort. Il y a de tout en Amérique. Du meilleur au pire. Pour tous.
L’intérêt d’un tel recueil de textes, voire d’histoires, comme Jean-Paul Dubois n’hésite pas à les qualifier, repose autant sur le talent d’écrivain de ce dernier que sur la plongée sociologique dans laquelle il nous entraîne, au cœur de la nation la plus puissante en ce monde. Le titre fait écho aux événements du 11 septembre, à la cassure qui s’est opérée au sein de la société américaine par rapport à l’image qu’elle entretenait jusque-là d’elle-même. Tel un Gulliver découvrant tout à la fois un monde aussi fabuleux qu’inquiétant, Jean-Paul Dubois arpente l’Amérique et nous livre, à la manière d’un road movie, le récit de ses rencontres dont certaines illustrent à quel point la réalité dépasse souvent la fiction.