Voilà un texte remarquable, de la trempe des meilleurs romans noirs que Jean Meckert a signés pour la Série Noire sous le pseudonyme de Jean Amila, tels La lune d’Omaha ou Noces de soufre. Le livre a pour sujet la distillation clandestine d’eau-de-vie à Nomville, un petit village de la basse Normandie, recréé avec un art du portrait psychologique et un sens de la réplique cinglante dignes de Maupassant. Nomville est « le pays de la reine Goutte », des « bouilleurs de cru », où tout le monde s’adonne à la « gniaule », y compris les enfants, qui la mêlent au café, sous prétexte de combattre la grippe, avant même qu’elle ne fasse son apparition. Marie-Anne, la nouvelle institutrice arrivée de Paris, plutôt « girl-scout », est résolue à ce qu’aucun alcool n’entre dans sa classe. Comme c’est souvent le cas chez Jean Meckert, la jeune fille va flirter avec un garçon à ses antipodes : Pierrot Soulage, le fils d’un distillateur, qui veut conquérir sa place dans le trafic. Fraudeur né, Pierrot est vite dégoûté par l’attitude des contrebandiers quand ils laissent crever Dédé, un complice blessé un soir de frappe policière. Jusqu’à plus soif réunit le côté social, contestataire et libertaire qui a tant plu à Didier Daeninckx, l’un des inconditionnels les plus notoires de Meckert. Grand roman policier, Jusqu’à plus soif est également un grand roman tout court, qui aurait très bien pu paraître à la collection « Blanche » de Gallimard, où Meckert a d’ailleurs fait ses débuts de romancier en 1942.
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...