Gérard de Cortanze, romancier, poète et dramaturge français, est aussi un spécialiste des cultures et littératures espagnoles et latino-américaines. Dans ses nombreux essais, il s’est passionné pour des lieux, des œuvres et des hommes tels que Paul Auster, J.M.G. Le Clézio, Philippe Sollers, Ernest Hemingway et Jorge Semprun.
L’œuvre littéraire de Jorge Semprun retrace, à travers des personnages qui ressemblent à l’auteur comme des frères, l’histoire tumultueuse du XXe siècle européen. Semprun est né en 1923 au sein d’une famille de la haute bourgeoisie espagnole très active dans la vie politique. Après la prise de pouvoir du général Franco, la famille Maura-Semprun s’exile et le jeune Jorge entre dans la Résistance française. Capturé, il est envoyé à Buchenwald – une expérience effroyable dont il parlera des décennies plus tard dans son très poignant L’écriture ou la vie.Membre du Parti communiste espagnol, il retournera clandestinement à plusieurs reprises à Madrid. Après la mort de Franco, il devient ministre de la Culture dans le gouvernement du Premier ministre socialiste, Felipe Gonzalez. Une vie, on le voit, tout aussi tragique et tourmentée que celle des personnages, interprétés de façon magistrale par Yves Montand, dont Semprun, aussi scénariste, a écrit les répliques pour les classiques du cinéma que sont La Guerre est finie, L’Aveu ou Z.
Peut-être faut-il bien connaître la vie et l’œuvre de Jorge Semprun pour apprécier à sa juste valeur l’essai de Gérard de Cortanze. L’essayiste s’attache, en effet, à faire revivre les trois Madrid de Semprun – celle de l’enfance dans le chic quartier de Salamanca, celle des quartiers populaires de la clandestinité, et celle du ministre de la Culture habitant juste en face de l’appartement occupé par sa famille cinquante ans plus tôt – en établissant sans cesse les liens entre les lieux, les romans et les films. De là, forcément, des ellipses importantes qui peuvent entraîner une certaine confusion chez le lecteur moins familier avec la vie et l’œuvre de l’écrivain franco-espagnol. À moins, au contraire, que cela ne lui donne l’envie de les découvrir L’écriture élégante de Gérard de Cortanze permet de s’imprégner de l’atmosphère unique de la capitale espagnole.