Romancier méconnu du vingtième siècle (voir l’article de Philippe Wahl dans le no 88 de N.B.), Henri Calet a mené pendant la période d’après-guerre une activité journalistique originale où il a exploité son sens de l’anecdote, sa sensibilité et son amour pour les humbles gens. Loin de miser sur l’actualité, la nouvelle ou l’événement, ses chroniques s’attardent surtout à faire le portrait d’une situation ou d’une personne d’un point de vue faussement naïf, de sorte que le temps a pu passer sur ces textes sans en affadir la saveur. Le minutieux travail de Jean-Pierre Baril, responsable de la publication, permettra aux amateurs du romancier de prolonger leur plaisir de lecture avec les deux recueils d’articles parus récemment au Dilettante.
Poussières de la route rassemble des textes parus entre 1945 et 1955 dans différents périodiques, dont Combat et Le Figaro littéraire (pour ne nommer que les plus connus). Par une écriture toute en suggestions et en nuances, l’ensemble propose une réflexion sur la mémoire, le temps qui passe, l’absurdité de certaines politiques. Du journalisme comme il s’en fait trop peu et dont le propos n’a absolument pas vieilli.
Jeunesses est l’aboutissement d’un projet dont le point de départ est une chronique publiée dans Elle à l’été 1954. Henri Calet avait alors rencontré une vingtaine de jeunes de 15 à 30 ans environ. Lui-même dans la cinquantaine et aux prises avec de sérieux ennuis de santé, il voulait savoir comment se sentaient ces jeunes, le plus souvent de condition modeste. Quels étaient leurs rêves, leurs distractions, leurs lectures. Comment voyaient-ils leurs parents, l’amour, l’avenir. Les textes réunis forment une belle diversité parce qu’on sent dans la manière de raconter de l’auteur l’intérêt réel pour chacune de ces personnes, qu’il a le plus souvent rencontrée dans son milieu, et non le désir de faire un portrait statistique de la génération en question. Henri Calet n’avait pas pu mener son projet à terme, mais a laissé un volumineux dossier que Jean-Pierre Baril a su mettre en forme en respectant la manière de l’auteur. Au-delà du plaisir de lire un nouveau Calet, l’intérêt du projet suscite la curiosité de connaître ce qui animait ces jeunes d’il y a cinquante ans et quelle était leur perception des quinquagénaires de l’époque. Le tout dégage un parfum délicieusement suranné pour les détails (distractions à la mode, types d’emplois) mais reste profondément actuel pour l’essentiel : la jeunesse est multiple et ne se réduit pas à quelques clichés. D’où le pluriel du titre, beaucoup plus qu’un détail.