En 2023, une telle violence organisée contre les femmes semble inimaginable. Et pourtant. Le dialogue entre Khatera, résistante afghane à bout de souffle, et Maurine, journaliste française impliquée malgré elle dans une histoire aberrante, donne froid dans le dos. Les larmes de désespoir du lecteur ne sont jamais bien loin.
Khatera Amine et Maurine Bajac sont des jeunes femmes dans la vingtaine, l’une née en 1994, l’autre en 1996, toutes deux tellement décidées et si courageuses qu’on pourrait les croire beaucoup plus vieilles. Unissant leurs forces malgré les 5 500 kilomètres qui les séparent, elles ont voulu témoigner de la vie non seulement moyenâgeuse, mais surtout cruelle et phallocrate qui règne à nouveau en Afghanistan dans Je vous écris de Kaboul…
L’Afghanistan, l’Absurdistan. Il faut se souvenir. Il y a à peine deux ans, en 2021, au moment de la dissolution de la mission internationale Soutien déterminé (Resolute Support) de l’OTAN, titre ô combien ironique aujourd’hui, le pays a connu le retour en force des fondamentalistes islamistes. Le 15 août, très exactement, les autorités talibanes ont repris le pouvoir à Kaboul, sans avoir à livrer de combats. « Tout ce que les Afghans, et les Afghanes en particulier, ont bâti pendant vingt ans a disparu. »
Khatera Amine, « célibataire, éduquée, féministe, consultante pour l’ancien gouvernement », est vite devenue une cible de choix pour les nouveaux maîtres du pays. Elle avait essayé de fuir à la fin d’août 2021, mais sans succès. « Il y a trop de demandes. Trop de panique. Trop d’effroi. Tout le monde veut partir. C’est devenu impossible de joindre qui que ce soit. Institutions, associations, plus personne ne répond. » Elle est ensuite refoulée à l’aéroport de Kaboul, comme tant d’autres : « Je ne monterai dans aucun avion, ni aujourd’hui, ni demain. Je ne partirai peut-être jamais ».
En utilisant son compte Twitter, elle lance une bouteille à la mer : « Le hashtag #Afghanistan me propose plusieurs tweets de journalistes du monde entier. […] Je m’abonne à leurs comptes, au hasard ». Ce sera la journaliste française Maurine Bajac qui accueillera son appel à l’aide et y répondra. Ainsi naîtra leur amitié.
Depuis, Maurine tente tout pour que Khatera puisse se réfugier en France, mais en vain. Du fond de sa clandestinité, cachée sous sa burqa, la jeune Afghane, recherchée et menacée, décrit l’oppression et l’enfermement que vivent les femmes de son pays sous la botte des talibans. Les deux amies demeurent sur le qui-vive : « À chaque nouvel enlèvement d’activiste ou de proche de l’ancien gouvernement afghan, nous coupons court à nos échanges ».
À force d’efforts et d’entêtement, leur témoignage sera édité puis publié : « K, on va l’écrire, ce livre. On va raconter ton histoire. […] C’est le plus beau jour de ma vie, Maurine. Ça veut dire que quoi qu’il m’arrive, ils ne m’arracheront jamais ma liberté ».
Khatera Amine conclut en sagesse : « Je ne suis pas l’héroïne de ce livre, j’ai décidé d’être celle de ma vie ».