Ce livre attachant rassemble une centaine de lettres intimes et familiales de Jean Giono (1895-1970), connu ici pour sa nouvelle « L’homme qui plantait des arbres » (1954), qui fut adaptée au cinéma par Frédéric Back. Cette correspondance inédite est annotée par la seconde fille du romancier, Sylvie Durbet-Giono, et paraît dans la collection « Haute enfance », spécialisée dans les écrits de jeunesse ou les fictions à propos des jeunes.
Plusieurs des premières lettres reproduites ici sont rédigées par le jeune Giono, qui s’adressait tendrement à ses parents en les appelant « mes deux vieux chéris ». Une sélection a été opérée, puisqu’au départ, Giono avait rédigé plus de 500 lettres seulement à ses parents. Certaines années (1954-1956) ne sont pas du tout couvertes dans ce livre. De plus, les réponses reçues par Giono n’y figurent pas. Dans la première moitié du recueil, le futur écrivain raconte son quotidien de conscrit dans les tranchées – nous sommes durant la guerre de 1914-1918. Les lettres suivantes sont pour la plupart adressées à son épouse et à ses enfants. Durant la Deuxième Guerre mondiale, Giono sera incarcéré en 1939, puis entre 1944 et 1945, mais seulement quelques cartes postales (dont une très touchante, manuscrite, reproduite en fac-similé) évoqueront cette période. Moins anecdotiques, les lettres de « Giono écrivain consacré » demeurent les plus passionnantes. Tout au long de sa vie, le romancier répète régulièrement à quel point il aime son travail, même durant les périodes les plus intenses, même s’il doit souvent s’isoler de ses proches, comme il le confiait en 1951 : « […] je bénis le travail, toujours aussi facile et intéressant ». Par ailleurs, Giono apparaît dans ses lettres comme un homme affectueux ; il surnomme indifféremment son épouse et ses deux filles « mon fiston ».
Le romancier sait bien comment transformer le moindre événement en un petit récit cocasse. En 1952, à propos de son séjour en Angleterre, il rédige à sa fille une lettre détaillée : « Je ne parle pas de la cuisine qui est encore plus mauvaise que tout ce qu’on dit et tout ce qu’on imagine ». Mais vers la fin du voyage, Giono écrit : « J’ai cinquante histoires qui vous feront rire ». On aborde peu les livres, mais l’écrivain exulte en recevant le prix de Monaco en 1953, pour l’ensemble de son œuvre ; Giono rêve déjà au Nobel de la littérature, qui lui restera inaccessible. Il ne recevra que le Goncourt, en 1954.