La Turquie contemporaine, celle qui fascine mais effraie, celle qui fait couler beaucoup d’encre, est ici racontée de l’intérieur par Orhan Pamuk, un de ses enfants les plus illustres. Après les succès de Mon nom est rougeet Neige, entre autres titres traduits en plus de quarante langues, le Prix Nobel 2006 raconte son enfance à Istanbul, ville mythique située entre Orient et Occident.
Fondée en 667 avant Jésus-Christ par les Argonautes, dit-on, Byzance est grecque. Mille ans plus tard, en 330, Constantin lui donne son nom – Constantinople – et en fait la capitale de l’Empire romain d’Orient. Un deuxième millénaire passe. En 1453, les nouveaux conquérants ottomans la nomment Istanbul.
Troisième en titre à régner sur la région, l’Empire ottoman – fondé par les Turcs – a duré plus de 600 ans. Après la défaite de la guerre de 1914-1918, Kemal Atatürk fonde la Turquie laïque et moderne en 1923 et la capitale devient Ankara.
Ces guerres, ces victoires et ces conquêtes semblent définir l’âme trouble d’Istanbul. Métropole du pays, certes, mais la ville n’est que le « résidu d’un grand empire » et pleure sa notoriété enfuie. « À Istanbul, les heures glorieuses passées, l’Histoire et les vestiges des civilisations sont beaucoup plus perceptibles [qu’ailleurs]. » Les Stambouliotes sont depuis partagés entre le déni et le « sentiment de défaite, de perte, et de tristesse dont Istanbul avait hérité ».
Pamuk n’échappe pas à la règle. La ville où il est né en 1952 est source de toutes ses passions et de ses douleurs. « Influencés par cette tristesse héritée d’un grand empire […], les Stambouliotes sont comme condamnés à être la proie d’une espèce de pauvreté éternelle. »
œuvre poétique, illustrée de superbes dessins et photos en noir et blanc, Istanbul parle bien sûr de mosquées, konaks, pachas, harems, divans, janissaires et Sublime Porte mais davantage des relations qu’un enfant – ayant « la chance d’être né dans une famille aisée » – entretient avec son omniprésente famille et de son apprentissage de la vie.
Sélectionné par le Time en 2006 comme l’une des personnalités influentes de notre monde, juré au festival de Cannes 2007, Orhan Pamuk s’est récemment exilé à New York, pourfendu qu’il est chez lui pour avoir pris la défense des Arméniens.