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UNE IRRÉSISTIBLE ENVIE DE FUIR

Émilie est malheureuse. Elle l’a toujours été et le sera sans doute toujours, condamnée qu’elle est à errer dans le monde de déception en déception. Émilie s’abîme dans tout ce qui peut la blesser : la prostitution, la drogue, l’alcool, une relation sans avenir, des amours auxquelles elle met fin de manière subite. Son récit est fastidieux, misérabiliste et à la limite du pathétique : Émilie cherche l’amour, mais ce n’est pas chez ce lecteur qu’elle le trouvera, puisqu’il n’arrive pas à prendre en pitié celle qui, dans de longs monologues intérieurs empaillés, se complaît dans les « irruption[s] de toussotements [qui] se loge[nt] au fond de [sa] gorge ».
La quatrième de couverture annonce que dans son premier roman, Catherine Bellemare « explore avec une grande sensibilité les préoccupations de sa génération : les relations interpersonnelles, l’identité sexuelle, l’anorexie, les dépendances (alcoolisme, toxicomanie) et la solitude ». Il y a en effet tout cela dans Une irrésistible envie de fuir, mais on peut se demander en quoi ces « préoccupations » sont celles d’une génération plutôt que d’une autre, alors que la littérature les explore depuis des siècles déjà. Le péritexte éditorial du roman donne le ton à un livre dont on ne peut que ressortir confus, non pas parce qu’il serait « difficile à comprendre », mais bien plutôt parce qu’il s’éparpille dans toutes les directions sans tenir les promesses que la structure narrative fort intéressante, construite par basculements, flux, reflux et turbulences, avait fait miroiter. L’image de photothèque en couverture est d’ailleurs plutôt mensongère, insinuant que le roman explorera les transidentités alors qu’il se contente de présenter la fluidité des orientations sexuelles comme élément-clé d’une intrigue à rebondissements : le désir d’Émilie pour une femme, pour « un corps biologiquement identique au sien », est longuement préparé, comme s’il s’agissait d’une de ces révélations divulguées à la fin d’un épisode, dans les feuilletons télévisés, afin de retenir les spectateurs qui n’auront d’autre choix que de revenir le lendemain pour connaître le fin mot de l’intrigue. Une telle stratégie narrative, dans un roman « indocile », est de peu d’effort.
Le texte est truffé de coquilles, de phrases à la syntaxe douteuse, d’incohérences dans la narration, de pronoms aux antécédents confus et de passages presque indéchiffrables. L’écriture de Catherine Bellemare convoite un style qu’elle n’atteint malheureusement pas, s’échouant dans une prose ampoulée et maladroite, lourde et franchement lassante. On a l’impression de lire un livre inachevé dont l’auteure aurait été mal accompagnée par la maison d’édition qui la publie.

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