Entre-temps, des publications ont été consacrées à cette femme d’exception et des honneurs lui ont été rendus. Qu’à cela ne tienne, Karine Gagnon poursuit son rêve de la présenter à un plus large public en retraçant son parcours héroïque, qu’elle aménage avec un brin de fiction.
Une héroïne, Irma LeVasseur ? À n’en pas douter. Une va-t-en-guerre ? Pas vraiment, si l’on se réfère au sens qu’attribue Le petit Robert à ce mot, tant au sens propre qu’au sens figuré : « personne qui recherche le combat ». N’empêche que, pour réaliser son immense projet de soigner les enfants et de sauver des vies, dans un Québec du début du XXe siècle où la mortalité infantile fait des ravages, Irma doit défoncer des portes. Femme dans un monde d’hommes, Irma se retrouve toujours à contre-courant. L’autrice porte un regard admiratif sur le courage que déploie cette pionnière qui a dû d’abord s’exiler au Minnesota pour faire ses études de médecine, y devenant l’une des sept diplômées en 1900, parmi quarante-neuf hommes ; puis qui a dû lutter pour faire reconnaître son droit de pratique au Québec, droit qui lui fut finalement accordé, moyennant des limitations, grâce à une loi privée sanctionnée en 1903.
Karine Gagnon suit le parcours sinueux et plein d’embûches de la Dre LeVasseur, dont le but ultime est la création d’un hôpital pour enfants malades. Elle ira parfaire sa formation en pédiatrie à Paris. Elle s’engagera à quelques reprises pour la Croix-Rouge, notamment en Serbie où sévissent une épidémie de typhus et la guerre avec l’Autriche. Période où sa santé est mise à rude épreuve mais, selon ce que l’on peut lire entre les lignes, ce service humanitaire lui permettait d’augmenter ses économies pour réaliser son grand rêve, qui se concrétise en 1908 avec la fondation de l’Hôpital Sainte-Justine de Montréal. Aussitôt cet hôpital fondé, elle en laissera l’administration et le fonctionnement à l’équipe médicale et aux dames patronnesses influentes qu’elle avait elle-même recrutées. Irma LeVasseur ne s’arrêtera pas là. À Québec, sa ville natale, elle sera l’instigatrice de la fondation en 1923 de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, ainsi dénommé, à l’encontre de son avis, en l’honneur de la congrégation des sœurs officiellement chargées de l’administrer. Incapable de travailler en équipe, Irma LeVasseur ira ouvrir sa propre clinique. Suivra en 1935 la réalisation d’un autre rêve, celui d’une école pour enfants handicapés : l’école Cardinal-Villeneuve, à Québec.
Ce roman historique a le mérite de rendre un juste hommage à une pionnière qui a contribué à développer au Québec le service essentiel qu’est celui des soins aux enfants malades et à ouvrir la voie aux femmes vers des professions réservées jusque-là aux hommes.