Nicole Richard est d’abord connue comme poète. À ce jour, elle a d’ailleurs fait paraître trois ouvrages qui en témoignent. Intra-muros, une suite de vingt-trois très courtes nouvelles, est pour elle une entrée dans le monde de la prose. Le titre, Intra-muros, ne renvoie pas à l’espace intérieur d’une ville fortifiée, mais plutôt à un lieu auquel il nous est rarement donné d’accéder, l’intérieur d’un hôpital psychiatrique. Mais encore, remarquons que ces murs sont doublement traversés, car c’est de l’intérieur même des consciences souffrantes, c’est par les yeux des malades, par leurs voix intérieures, c’est de « l’intérieur de [leur] chair » que nous est présentée l’action. Ainsi, comme le suggère le sous-titre de la première partie du livre, le lecteur est en quelque sorte convié à une véritable « intrusion » dans la psyché d’un interné. Cette première partie est d’ailleurs composée de textes très unis sur le plan thématique, et semble dériver d’un narrateur unique. Les onze nouvelles qui la composent exposent des moments parfois anecdotiques, parfois tragiques, d’un personnage créatif, mais reclus en lui-même. « Je serai toujours ici, envenimant les situations. Pour préserver l’écart. » La seconde moitié du recueil, « Impasse », n’est pas traversée par la même unité, mais l’on retrouve toujours les thèmes de l’impuissance, de l’incapacité de vivre parmi les autres et de la difficulté de communiquer.
En ce qui concerne l’écriture, notons que celle-ci ne tente pas de traduire l’aliénation et la folie en ayant recours à un langage qui serait une transposition des structures syntaxiques et sémantiques défaillantes témoignant de la schizophrénie. Au contraire, c’est avec les mots riches et pesés du poète que s’expriment les différentes voix qui traversent le livre. « La main tremblante et moite, mon adversaire cherche instamment à déchiffrer l’énigme entière que je suis » En somme, les fous d’Intra-muros ne savent que se parler à eux-mêmes, et ici, ils nous font entendre ce qu’ils se disent.