Hélène-Andrée Bizier se spécialise dans l’histoire visuelle du Québec. On lui doit entre autres Une histoire des hommes québécois en photos et Une histoire des Québécoises en photos. Ces livres s’apparentent à de nombreux ouvrages de Pierre Lahoud parus chez GID (l’éditeur spécialisé dans l’histoire visuelle québécoise) et à ceux de la collection « Aux limites de la mémoire » des Publications du Québec. La réédition d’Unehistoire du Québec en photos a permis d’ajouter certains événements récents (crises, catastrophes, manifestations et mouvements sociaux comme le printemps érable). Mais les portions les plus intéressantes sont naturellement les plus anciennes, qui montrent le Québec d’antan et des moments éphémères comme ce vaste campement provisoire de 30 000 soldats en attente du départ vers l’Europe, en 1914, ou encore cette carte postale de 1907 montrant le premier pont de Québec, inachevé, aux formes sensiblement différentes de celui que nous connaissons, et qui avait été rasé pour ériger la version moins courbée de l’actuel pont, qui a eu cent ans en 2017. Une autre photo rare montre Alfred Hitchcock et l’actrice Anne Baxter réunis au célèbre cabaret Chez Gérard, lors du tournage du long métrage La Loi du silence, en 1952. Une image tragique permet de bien visualiser le désastre de Saint-Jean-Vianney, ce village englouti en quelques heures par un glissement de terrain, en 1971.
Le pittoresque des années 1940 ferait presque sourire s’il ne marquait pas des pratiques disparues : une course en tacots, un jour de marché public à la place Jacques-Cartier, les manèges féeriques du mythique parc Belmont, anéanti en 1983. Et naturellement, on revoit des soirées d’élection et des soirées du hockey ! À une époque où le présentisme règne en roi et où la nostalgie est souvent assénée comme une accusation, Une histoire du Québec en photos nous montre un autre Québec, portrait indispensable pour bien saisir nos origines, notre nation et notre continuité.
Cependant, ce bel album relate l’histoire officielle du Québec : on omettra de spécifier la raison qui a motivé la grève chez Dupuis Frères en 1951 ; ailleurs, le commentaire accompagnant la photo de Paul-Émile Borduas indique son renvoi de l’École du meuble de Montréal mais réduit le contenu du Refus global à une « critique sociale ». Plusieurs légendes sont trop brèves.
Cette réédition au demeurant colossale ne devrait pas nous faire oublier l’édition de 2006, car les ajouts d’événements récents ne constituent pas la dimension la plus significative du point de vue historique ; on préférera saisir les mutations du Québec à travers une infinité d’exemples tirés de la vie quotidienne. Doit-on espérer retrouver ici toute l’histoire du Québec ? Que non pas ! Mais ces images évocatrices et révolues serviront d’initiation à notre histoire et à notre culture, toutes deux si riches et encore méconnues.