Dans son Histoire des sciences, Yves Gingras a choisi de découper son vaste sujet en trois grands segments. Le premier, celui que l’auteur nomme les « sciences anciennes », il le situe entre le Vesiècle avant Jésus-Christ et le XVIIesiècle de notre ère. C’est au cours de cette période que naissent les deux inventions qui allaient permettre toutes les autres : l’invention de l’écriture et celle du calcul en Asie Mineure. Toutefois, les développements qu’elles permirent dans les sociétés sumérienne, mésopotamienne, égyptienne et grecque furent sans doute endogènes, discontinus et le plus souvent parallèles les uns aux autres. Si les inventeurs de l’écriture restent inconnus, quelques grands noms de cette période ont résisté à l’amnésie du temps : Aristote, Euclide, Archimède, Ptolémée, Hippocrate, Galien.
Quand se clôt cette longue période deux fois millénaire, la connaissance que l’on a de l’univers repose sur quelques « vérités immuables », dont celles-ci : l’homme est le centre de la création et la Terre est le centre de l’univers, la matière de l’univers est composée de quatre éléments (l’air, la terre, l’eau et le feu) et la santé dépend de l’équilibre de quatre humeurs corporelles (la bile noire, la bile jaune, le phlegme et le sang).
La seconde période, dite celle de la révolution scientifique, Yves Gingras la fait courir de 1500 à 1800. Inaugurée par la révolution copernicienne, après les travaux astronomiques de Tycho Brahe, de Johannes Kepler et de Galilée, elle allait renverser totalement l’idée que l’homme se faisait de sa place dans l’univers. Dans le sillage de cette découverte stupéfiante pour l’époque naîtrait une nouvelle physique grâce à la découverte des lois de la gravité par Isaac Newton. Simultanément, de grands raffinements apportés à l’instrumentation ou d’importantes découvertes dans la mise au point des techniques de mesure vont accélérer et permettre d’aller plus loin dans la connaissance de la nature et de l’univers : le thermomètre, le baromètre, le microscope, la balance, le télescope, etc.
Dans le domaine des sciences, les XIXeet XXesiècles se déroulent sous le sceau de la multiplication et de la convergence des disciplines. « Dans la seconde moitié du XIXesiècle, écrit Yves Gingras, différents domaines fusionnent dans une même discipline, la physique, qui remplace l’ancienne philosophie naturelle. Elle se mathématise, fonde ses observations sur des instruments plus sophistiqués et est désormais pratiquée par des chercheurs plus spécialisés. » De ce fait, le processus d’abstraction inhérent au développement et à la mathématisation des sciences a fait que, depuis la moitié du XIXesiècle jusqu’à aujourd’hui, les représentations scientifiques du monde s’éloignent de plus en plus du sens commun, la rendant incompréhensible à la plupart.
Un ouvrage comme celui d’Yves Gingras, du seul fait des contraintes de format (moins de 130 pages) qu’imposent à ses auteurs les éditeurs de la collection « Que sais-je ? », ne peut être qu’un livre de vulgarisation qui n’a pas pour objectif de rendre intelligible l’état actuel de la recherche dans les différents champs scientifiques. Il cherche plutôt à nous rappeler les grandes étapes de l’évolution de la pensée scientifique à travers les soubresauts de l’Histoire, la création progressive d’institutions savantes (universités, académies, société royale, etc.) et la mise au point d’instruments de plus en plus coûteux et sophistiqués. Avec sa bibliographie très utile à qui veut poursuivre ses recherches, Histoire des sciences d’Yves Gingras constitue un utile vade-mecum pour tout jeune esprit curieux de comprendre le monde qui l’entoure.