L’historien et ex-novice dominicain Guy Laperrière nous offre ici un livre « bref […], simple et direct » sur « l’essentiel de ce qu’un honnête homme devrait savoir sur les communautés religieuses au Québec », depuis les origines, au début du XVIIe siècle, jusqu’à nos jours.
Après un rappel de quelques notions fondamentales sur la vie religieuse et un survol historique de l’ensemble des communautés du monde catholique, en introduction, l’auteur consacre la première partie de son ouvrage à l’arrivée en Nouvelle-France des récollets et des jésuites, en 1615 et 1625 respectivement, puis des ursulines et des augustines, en 1639. Il résume la fondation des premières institutions qui furent alors créées, évoquant ainsi les figures connues des Marie de l’Incarnation, François de Laval, Mgr de Saint-Vallier, Jeanne Mance, Marguerite Bourgeoys, Marguerite d’Youville et autres frères Charon. L’historien souligne aussi le vigoureux élan missionnaire de 1630 à 1660 et la sombre période que furent pour l’Église catholique d’ici les 80 ans de Régime britannique (1760-1840).
Dans sa deuxième partie, Guy Laperrière décrit le puissant développement qu’ont connu les communautés de 1840 à 1900, en particulier chez les femmes, et signale l’action énergique en ce domaine de Mgr Ignace Bourget, « figure dominante du catholicisme québécois » à son époque. Cet évêque déploya beaucoup de zèle pour recruter des communautés françaises et stimuler la fondation de congrégations du cru. L’action exceptionnelle des unes et des autres s’est manifestée dans leurs sphères d’attribution respectives (éducatives, hospitalières et caritatives) et fut également visible dans l’encadrement des centres de pèlerinage et dans le développement de communautés contemplatives et de communautés au service du clergé. Vers la fin du XIXe siècle, le mouvement anticlérical en France a mené à des lois scolaires et militaires qui furent à l’origine de l’expulsion de congrégations et de la migration de plusieurs d’entre elles au Québec.
La troisième partie s’attarde aux années 1900-1960, où les communautés ont connu en territoire québécois un « essor maximum ». Les mesures anticongrégationnistes françaises ont provoqué un afflux considérable de religieux et de religieuses, dont une majorité de frères enseignants. L’apostolat missionnaire est à nouveau pris en compte dans ses différentes manifestations. Guy Laperrière évoque la place prépondérante de la religion au Québec dans les années 1920 et 1930, et jusqu’aux années 1960, en rappelant les dévotions des Québécois, la publication de nombreuses annales, les mouvements de jeunesse, la résurgence du catholicisme social des Georges-Henri Lévesque, Joseph-Papin Archambault, Richard Arès et Lionel Groulx. Il relève encore la place de choix des religieux dans le système d’éducation au Québec et dans le monde de l’édition, le rôle de l’État dans les questions sociales, le combat des religieux contestataires, du père Lévesque au frère Untel…
Une quatrième et dernière partie examine la jonction de la Révolution tranquille et du concile Vatican II, et les profondes transformations qui en sont issues : sécularisation de la société québécoise, laïcisation des institutions (hôpitaux, orphelinats, collèges, écoles normales), nouvelle spiritualité charismatique, réorganisation des communautés…
La lecture terminée, on s’étonne de la quantité de sujets abordés par Guy Laperrière, qui s’appuie sur la consultation de très nombreuses études. L’historien touche par exemple aux considérations politiques qui ont joué en Nouvelle-France et à des questions concrètes comme la dot à fournir par les religieuses, les biens matériels des congrégations et l’abandon en trois étapes du costume des sœurs. Il expose sur un ton neutre les tensions et querelles de juridiction entre communautés, les fusions et scissions internes, les incompatibilités, contentieux, frictions, tiraillements et démêlés avec l’évêque, avec le roi, avec les Amérindiens… Il n’élude pas leurs mauvais coups en évoquant les orphelins de Duplessis, les pensionnats autochtones, les religieux pédophiles…
Bref, un maître-livre, objectif, succinct et documenté, que cette Histoire des communautés religieuses au Québec.