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NUIT BLANCHE

On redécouvre sans cesse des artistes oubliés et des peintres sous-estimés ayant vécu au Québec au XIXe siècle. Injustement oubliés ?

Né à Londres, Henry Daniel Thielcke (1788-1874) grandit à la cour britannique et devint portraitiste. À partir de 1832, il séjourna durant 22 ans à Québec et mourut à Chicago (tout comme Cornelius Krieghoff). Son œuvre la plus célébrée figure en couverture du livre de Patrick White et montre le chef des Hurons de Wendake : « The Presentation of a Newly Elected Chief of the Huron Tribe, Canada », terminée en 1841 et exposée depuis au Château Ramezay de Montréal. Mais certains artistes établis comme Antoine Plamondon (1804-1895), un catholique, voyaient d’un mauvais œil ce nouveau concurrent, bien nanti et de religion anglicane, fraîchement arrivé d’Angleterre et auréolé du titre passe-partout de « peintre royal » de la duchesse d’York. Ce titre de prestige lui ouvrira des portes à une époque où le régime colonial triomphait et dominait les élites, à Québec comme à Montréal. Il s’en est suivi quelques querelles publiques, notamment dans les journaux, à propos de la réelle disposition du portraitiste Thielcke pour l’art religieux, en particulier dans le cas de sa toile montrant le personnage de saint Jean Baptiste, qui était loin de faire l’unanimité : « [R]ien de plus monstrueux et de plus ridicule que de le voir baptisant Jésus de la main gauche et s’appuyant paresseusement la main droite sur la hanche », écrivait Antoine Plamondon en 1835. D’autres historiens de l’art noteront des faiblesses et des imperfections dans certaines toiles – parfois approximatives – de Thielcke. La dernière moitié de l’ouvrage montre et commente une cinquantaine de dessins rares et de toiles de Thielcke, pour la plupart conservés en Angleterre.

Le présent livre prend le relais de deux projets inachevés, entrepris au siècle dernier par les historiens de l’art David Karel et Annie Fraser. L’auteur ratisse très large pour commenter tout ce que l’on peut savoir sur Thielcke, y compris les activités de ses enfants, ses descendants, son travail d’enseignant. En raison de son petit format, ce Henry Daniel Thielcke n’est pas un livre d’art au sens conventionnel du terme, mais il contient néanmoins plusieurs reproductions en couleurs, de petit format cependant, essentiellement des portraits. Le travail éditorial des PUL est impeccable sur le plan visuel, notamment dans le rendu des contrastes de certains dessins. L’écriture journalistique de Patrick White donne un portrait très méticuleux du portraitiste. On signalera cependant à ce professeur de l’UQAM quelques raccourcis malheureux, comme ne pas mentionner les références exactes de plusieurs citations, par exemple celle empruntée à l’Encyclopédie canadienne à propos de l’ultramontanisme, et se fier uniquement à Wikipédia comme source pour définir ce qu’étaient les rébellions des Patriotes de 1837-1838.

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