Nous avions déjà louangé un livre d’entretiens consacré à Gilles Vigneault (Comme un arbre en voyage, 2000) ainsi que son recueil de l’intégrale de ses paroles de chansons (Les gens de mon pays, 2006). Ici, le journaliste français Marc Legras consacre au grand poète de la chanson québécoise une biographie intelligente – sans être exhaustive – destinée d’abord à un lectorat européen qui ne connaîtrait pas la Côte-Nord, le sirop d’érable, les événements d’octobre 1970. Du début de l’âge adulte jusqu’à aujourd’hui, on découvre tous les métiers de Gilles Vigneault : d’abord enseignant, puis scénariste à la télévision de Radio-Canada, enfin compositeur et chanteur, mais aussi acteur au cinéma et éditeur.
On apprend beaucoup en lisant ce livre : sur ses études à Rimouski, ses années passées à Québec, les circonstances entourant la création de ses premières chansons, la naissance de ses sept enfants. Un de ses poèmes de jeunesse, « L’Arbre », écrit durant l’adolescence, enchantera son professeur de lettres du Séminaire de Rimouski, qui le fera analyser par toute la classe du jeune Vigneault, déjà considéré comme un écrivain de très haut calibre : « Je suis comme un arbre en voyage / Je m’en vais racines en l’air / Mais de voir le monde à l’envers / Me coûte fleur, fruit et feuillage ».
Dans chaque chapitre, de larges extraits de ses livres sont reproduits, dont une belle évocation de Natashquan, son village natal, tirée du livre Les chemins de pieds, publié en 2004. On nous rappelle les liens multiples de Gilles Vigneault avec la France : on savait que la chanteuse Catherine Sauvage (1929-1998) avait enregistré tout un 33 tours de chansons de Gilles Vigneault en 1966, mais peu se souviendront qu’en 1961, Gilbert Bécaud avait lui aussi mis en musique et enregistré une chanson intitulée « Natashquan », tirée d’un poème de Vigneault.
Le point de vue européen de l’auteur permet des comparaisons intéressantes qui incluent d’autres chanteurs d’ici. Ainsi, fort à propos, Marc Legras évoquera la chanson de Raymond Lévesque, « Quant les hommes vivront d’amour », sortie de l’oubli en 1974 lors du célèbre concert que donnèrent Vigneault, Félix Leclerc et Robert Charlebois à Québec ; par la suite, le biographe comparera cette chanson immortelle avec « Le Déserteur » de Boris Vian et le classique « Le temps des cerises ». Biographie réussie et vivante, Gilles Vigneault de Natashquan contient en outre une discographie sur disque compact (avec des références européennes, et non québécoises).