Gilles Lamontagne a eu plusieurs « vies »: d’abord héros militaire contre les nazis durant la Deuxième Guerre mondiale, puis commerçant, maire de Québec, ministre au gouvernement fédéral et lieutenant-gouverneur de la province. L’historien Frédéric Lemieux publie la première biographie à lui être consacrée.
À travers ce portrait d’un homme d’exception, c’est toute l’histoire de la ville de Québec que nous revivons, à une époque où celle-ci s’est transformée considérablement sous sa gouverne, entre 1965 et 1977. Durant cette période, on assista à la modernisation des services municipaux, à la création de services de loisirs, à la transformation des rives de la rivière Saint-Charles, à l’aménagement du Mail Saint-Roch en rue piétonnière, au retrait des voies ferrées du centre-ville (qui créaient des embouteillages monstres plusieurs fois par jour) et à la construction de gratte-ciel autour du parlement de Québec. Certaines de ses décisions avaient été critiquées (comme la disparition de tant de maisons victoriennes sur l’emplacement du Complexe H et la surabondance du béton), mais c’était alors la solution perçue comme « moderne et propre ». Auparavant, la ville de Québec connaissait un déclin et une sorte de marginalisation : même certains services du gouvernement provincial quittaient progressivement la capitale pour s’établir à Montréal.
Sous son administration, le maire Lamontagne amorça des projets conjoints avec les paliers fédéral et provincial pour restaurer la place Royale en un lieu patrimonial et fortement identitaire. Si une partie de la population locale a dû quitter ce quartier (ainsi que des commerces comme la quincaillerie Chinic), l’endroit devint un lieu de rendez-vous touristique, aménagé pour mettre en valeur le passé de ce quartier emblématique.
L’ouvrage touche aussi d’autres aspects de la vie publique de Lamontagne, comme sa carrière de ministre sous le gouvernement Trudeau. Des regrets ? Celui, notamment, d’avoir approuvé la destruction de tant de maisons patrimoniales pour faire construire des édifices comme l’hôtel Loews Le Concorde, sur la Grande Allée.
La vie personnelle de Gilles Lamontagne a été marquée par de lourdes épreuves, entre autres lorsqu’il fut fait prisonnier aux Pays-Bas en 1943, passant deux ans dans un stalag contrôlé par l’Allemagne.
Le travail de synthèse de Frédéric Lemieux est impeccable, utilisant diverses sources comme des journaux d’époque et les carnets personnels de l’ancien maire. Ce livre ne devrait pas être réservé aux citoyens de Québec, car on y apprend beaucoup sur les mentalités d’avant et d’après la Révolution tranquille.