L’étude d’Isabelle Daunais, qui s’adresse principalement aux universitaires et aux amateurs passionnés par le roman réaliste, se fonde sur l’hypothèse qu’à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, le roman atteint « les limites mêmes de son domaine et de son action ». Pour l’auteure, l’évolution historique du genre romanesque procède d’une dynamique interne qui conduit à une libération des formes et donne lieu à de nombreuses expérimentations formelles (liées notamment à la volonté, alors partagée par plusieurs, d’écrire un livre sur rien). Comme elle le rappelle, cette démarche s’accompagne d’une remise en cause profonde de la conception classique de l’art qui instituait le rapport entre la forme et le contenu comme une nécessité absolue.
De plus, alors que la Beauté devient le but ultime et même le thème des pratiques artistiques, on doute sérieusement de l’utilité d’un récit qui ne peut se libérer de sa fonction traditionnelle de représentation. Mais, explique l’auteure, le sacrifice du récit ferait peser une menace : celle de la fin pure et simple du roman. En outre, ce mouvement se heurte à une donnée fondamentale : le personnage romanesque.
Le risque d’une dissolution du personnage invite Isabelle Daunais à établir un parallèle avec la peinture, qui commence justement à s’écarter de la figuration et à tendre vers l’abstraction. Les liens ainsi mis en évidence sont extrêmement intéressants et montrent ce que l’auteure appelle avec pertinence une « communauté de discours et d’imaginaires » : « Les alliances de peintres et d’écrivains (Champfleury-Courbet, Zola-Manet, Huysmans-Moreau, Apollinaire promoteur du cubisme) se sont construites sur ces ensembles et ces ‘ lieux ‘ communs ».