À première vue, on pourrait croire ce livre insignifiant. Plusieurs psychanalystes, imbus d’eux-mêmes et convaincus de détenir la vérité, s’en moqueront. S’ils le souhaitent, ils trouveront d’ailleurs ça et là certaines affirmations contestables (la pratique de la psychanalyse relèverait par exemple davantage de l’homéopathie que de l’allopathie), alors même que les pires âneries continuent à circuler à propos de la découverte freudienne. N’a-t-on pas pu lire, encore récemment, chez un tenant de la psychobiologie de la personnalité (Marvin Zuckerman) que les hypothèses de la psychanalyse constituent des constructs infalsifiables et dépourvus de fondements empiriques ? C’est que ces détracteurs ne se sont jamais trompé de clé et n’ont jamais fait de lapsus. D’où, peut-être, leur petit côté trop humain.
Bien. Cela dit, il reste que ce petit ouvrage de vulgarisation fait le travail, ce qui est tout à l’honneur de Ginette Pelland. Vous pouvez sans danger le donner à lire à votre voisin, à votre ado, à une collègue en peine d’amour ou à un ami qui passe ses samedis matins à lire les journaux intelligents. Présenté sous forme de questions-réponses, il permet de traverser l’ensemble de l’œuvre de l’inventeur de la psychanalyse. On découvre d’abord l’homme pour ensuite voir comment cette drôle de bestiole appelée l’inconscient finit par émerger. Puis c’est tonton Œdipe, les questions des enfants, la créativité, les relations de Freud avec la médecine, la littérature, le droit, la criminologie et d’autres champs du savoir, ce qui conduit à montrer combien Freud, tout bourgeois qu’il ait pu être, fut préoccupé par le fonctionnement social – à preuve, ses réflexions soutenues sur l’éducation, la moralité et le suicide. Ici, l’auteure se penche même sur l’étude, très peu connue – y compris de nombreux psychanalystes – que Freud consacra avec William C. Bullitt au président américain T.W. Wilson, en exercice lors de la signature du traité de Versailles.
Ginette Pelland offre au néophyte des pages profitables qui n’évitent pas la distance critique. C’est le portrait d’un homme modeste soulevé par la passion et fidèle à la sagesse qu’elle nous trace. Un ouvrage élogieux ? Oui, avec raison. Freud n’est-il pas, pour reprendre le titre d’une collection jadis bien connue, un grand de tous les temps ?