Dans la langue imagée et sensible qu’on lui connaît, Patrick Chamoiseau dénonce avec fermeté la situation intolérable des migrants en quête d’asile et professe l’espérance en une mondialité humaine.
À la défense des migrants, Chamoiseau monte aux barricades poétiques et sonne le rappel des Césaire, Pasolini, Saint-Exupéry et autres Hölderlin du monde. Son essai Frères migrants, en écho aux « frères humains » de François Villon, est une harangue, un manifeste, un chant courroucé, malgré tout dans l’attendrissement devant le fait d’une communauté humaine. « Ce qui saigne, ces houles vives qui s’épanchent, je parle de gens, je parle de personnes, saigne de nous, saigne vers nous, parmi nous, saigne pour tous. »
L’ordre mondial néolibéral d’aujourd’hui ne fait pas l’affaire de Chamoiseau. Des pays aux moyens modestes ont ouvert les bras aux migrants, tandis que d’autres, malgré leurs capacités gigantesques, ont gardé leurs frontières closes. Les flots de migrants qui se déversent d’Afrique, d’Asie centrale et du Proche-Orient mettent en lumière avec plus d’éclat que jamais le paradoxe, à terme insoutenable, de l’appropriation par quelques-uns de la richesse produite par tous. Un certain « fou à la mèche blonde » est pris à partie, non en tant que responsable, mais en tant que manifestation extrême de la mondialisation du chacun pour soi. À l’opposé de la globalisation motivée par l’appétit capitaliste, l’essai aux accents lyriques évoque une puissance plus profonde émanant de l’unicité de l’espèce humaine. Cette prise de position affirme sa filiation directe avec le concept de mondialité, créé par l’immense littérateur et théoricien que fut Édouard Glissant.
Une métaphore porteuse d’espoir est inscrite dans la trame de Frères migrants et ressurgit de manière explicite à plusieurs moments du discours. À la suite de Pasolini, de Césaire et du philosophe Georges Didi-Huberman, entre autres, l’auteur martiniquais associe les lucioles à des signaux de vie et de résistance, fragiles dans leur individualité et pourtant forts de leur nombre et de leur trajectoire imprévisible. Dans les dernières pages du livre, en forme de déclaration des poètes, Chamoiseau, image des lucioles à l’appui, appelle l’avènement d’un monde où seront vaincues les forces de la division entre humains, de part et d’autre des frontières.
FRÈRES MIGRANTS
- Seuil,
- 2017,
- Paris
136 pages
22,95 $
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