Flore Forget est chirurgienne. Sa mère, française d’origine, est venue s’installer au Québec il y a plusieurs années de cela. Et elle vient de mourir, laissant sa fille dans un profond désespoir. Il faut dire que celle-ci n’allait déjà pas très bien, comme on le découvre dès le tout début de Fleurs de crachat. « Je gâche tout. C’est comme ça. Moi, Flore Forget, indigne fille de feu Violette Hubert, ma mère, je dois bien l’avouer, je pourris tout. Je fais tout foirer, tout tourner. Une mauvaise mayonnaise. C’est ce que je fais de la vie. »
Tout au long de Fleurs de crachat, Flore Forget crie sa douleur et sa rage en un long soliloque. Elle raconte également sa vie et celle de sa famille. Il y a sa mère Violette, sa grand-mère Flora, sa fille Rose, ses frères Genêt et Florent – qu’elle appelle l’Fêlé. Une famille de fleurs, de fleurs de crachat ? Une famille marquée durement par les grandes guerres disputées en Europe, et qui a transmis sa douleur à sa descendance. Flore ne parvient pas à chasser de son esprit toute cette souffrance vécue par les siens. Son grand-père Ferdinand, qui a perdu une jambe au cours de la guerre 14-18, un oncle, à peine sorti de l’adolescence, exécuté par les Allemands simplement parce qu’ils étaient en train de perdre la guerre, sa mère et ses tantes qui ont fui les bombes américaines et canadiennes – beaucoup plus meurtrières que celles des Allemands – lors de la libération, à la fin de la Seconde Guerre, la faim que les siens ont ressenti, tout est là, brûlant, dans sa mémoire. À cause de toute cette horreur rattachée à la vieille Europe, Flore voit l’Amérique comme une terre d’asile. Mais elle ne s’y croit quand même pas à l’abri de toute menace. « Un jour, on ne sait jamais La guerre éclate partout. La haine est transportable. »
Son frère, l’Fêlé, pas plus qu’elle, ne peut chasser les souvenirs reçus en héritage. Cela le mènera à commettre une sorte de baroud d’honneur, un acte rédempteur par lequel il espère tout effacer. Flore verra là une opportunité de libération, d’autant que des changements surviennent dans sa vie. Une lueur d’espoir se présente finalement à elle
Il faut souligner la plume remarquablement efficace et talentueuse de Catherine Mavrikakis. Elle est intense, elle ébranle, elle provoque, elle bouleverse Elle ne laisse pas indemne