Qu’on soit davantage de droite ou de gauche, on ne peut être insensible au message de Hervé Kempf : malgré les inégalités qui subsistent dans le monde, nous sommes maintenant engagés dans une « grande convergence » ; tous, en effet, faisons face à une grave menace écologique.
Dans les pays développés, la « croissance fatigue » : nous avons toute la nourriture, tous les gadgets dont nous avons besoin. Dans les pays en développement, le dilemme est de satisfaire une population qui cherche le confort occidental sans dépouiller les ressources de la planète, notamment celles en énergie, qui coûtent de plus en plus cher : « Vouloir maintenir les conditions de la croissance signifie un coût écologique croissant ». Bref, la « pause » que connaît l’Occident depuis la crise financière devrait, pour notre bien à tous, s’étendre aux pays émergents. Car le niveau de richesse occidental répandu à tous les pays du monde est « écologiquement inenvisageable », dit l’auteur.
Nous avons dès lors deux scénarios devant nous : soit nous poursuivons notre croissance matérielle jusqu’à plus soif, soit nous acceptons de limiter notre croissance. « […] plutôt que de dépenser tant d’efforts à découvrir de nouvelles ressources, la priorité devrait être d’apprendre à en consommer le moins possible. » Il faut donc changer notre conception qui associe progrès humain à progrès matériel, bref « organiser la sobriété », dit Hervé Kempf, un processus qui ne se fera pas sans heurts, notamment sur le plan politique, tant le niveau de vie des pays riches fait rêver les autres peuples.
Mais comment arriver à ce nouveau modèle ? L’auteur propose trois solutions : maîtriser le système financier, pour le réaligner vers l’intérêt général ; réduire les inégalités, notamment au sein des pays, car elles s’accroissent plus qu’entre les pays ; et écologiser l’économie, par une réduction majeure de notre consommation d’énergie, et une société davantage axée sur l’éducation, la santé, la culture. En somme, inventer une économie qui s’adresse à l’être humain dans « la plénitude de ses possibilités de réalisation ».
Le propos de Hervé Kempf apparaît certes un peu utopique, mais il n’est certainement pas impertinent. Disons qu’il est probablement encore trop avant-gardiste.