Dans son premier thriller paru en 1997, l’Islandais ArnaldurIndridason a immédiatement mis en scène le commissaire Erlendur Sveinsson, qui s’est vu sur-le-champ aux prises avec un monde sordide tapi dans l’ombre de l’île. Eugénisme et suicides sont à l’ordre du jour.
Le récit des Fils de la poussière est à peine commencé que l’inspecteur vedette Erlendur et ses assistants, Sigurdur Oli et Elinborg,se retrouvent avec deux morts sur les bras. Y a-t-il un lien entre le suicide de Daniel, internédepuis toujours dans un hôpital psychiatrique,et le vieil Halldor, immolé par le feu, qui avait jadis été son professeur ? Ce sera la quête du libraire Palmi, qui a assisté impuissant à la mortde son frère. « Debout devant la vitre brisée, […] il gardait les yeux rivés sur le corps de Daniel. »
Le trio d’enquêteurs travaillera de concert avec Palmi, car ce dernier se révélera fort utile en permettant d’établir des liens – familiaux et autres – qui auraient sinon échappé à la police. Il fallait remonter aux années 1960 pour savoir que plusieurs camarades de classe de Daniel, également dans le groupe du professeur Halldor, avaient disparu. Il fallait aussi savoir que ces écoliers morts brutalement provenaient tous des quartiers pauvres de Reykjavik. Tiens donc.
Coïncidence ou pas, il semble que certains de ces enfants auraient servi de cobayes dans des essais pharmaceutiques et génétiques qui auraient déraillé. « Vous êtes en train de me dire qu’on vous a administré je ne sais quel traitement qui vous aurait tous rendus malades ? » Un monde interlope et sans pitié se cache ainsi sous le couvert de citoyens d’une banale normalité. Pour la toute première fois, mais non la dernière, Indridason exprime ses préoccupations sociales et éthiques, récurrentes dans tous ses livres : discrimination sociale, lobbies pharmaceutiques tout-puissants, abus sexuels, cruauté mentale, perversité et violences physiques.
Tout en pardonnant à l’écrivain une finale pour le moins invraisemblable, pour ne pas dire décevante, les lecteurs francophones aimeront connaître enfin la genèse de son œuvre et assister à la mise au monde d’Erlendur, personnage fétiche s’il en est, un être atypique, tourmenté, mais ô combien attachant.
Vingt ans après la parution de son premier thriller, Indridason est maintenant mondialement connu. Riche d’autant de titres, son œuvre a été couronnée de nombreux prix prestigieux. Le chef de file du polar nordique a permis à l’Islande de se tailler une place enviable dans le monde de la fiction criminelle et de la littérature.