Le recueil Femmes rapaillées réunit les paroles d’une quarantaine de femmes « avec et contre » Gaston Miron. Si certains peuvent s’étonner qu’un groupe de femmes choisisse la figure tutélaire d’un homme, il nous semble au contraire que les paroles réunies ici écrivent dans le sillon de L’homme rapaillé, incontournable ancrage de notre imaginaire moderne. Ce geste de continuité vise à s’approprier cette parole, à se rappeler qu’elle appartient aussi aux femmes qui viennent. Le recueil est aussi parsemé de citations de voix féminines incontournables de la poésie d’ici (Hélène Monette, Josée Yvon, Louky Bersianik, etc.) nous rappelant qu’il ne s’agit pas de sanctifier davantage la figure d’un poète unique, mais au contraire de croiser les héritages.
Il est bien entendu impossible, dans l’espace qui nous est imparti, de rendre compte de la richesse de toutes ces voix, mais notons que l’ensemble témoigne d’une étonnante cohérence malgré la diversité manifeste des approches. Les lecteurs de Miron prendront un réel plaisir à goûter les intertextes, mais ce n’est pas la seule façon d’entrer dans ce collectif où les voix se tiennent debout sans le tuteur du prétexte initial.
Soulignons tout de même le point de départ et la coda. Le recueil s’ouvre sur une importante contribution de Nicole Brossard : « Les phrases ». Poème essayistique, le texte s’avère à la fois bouleversant et jubilatoire. Une émotion nous saisit quand Brossard affirme, au détour d’une réflexion sur le travail du texte et le rapaillage, « Je suis heureuse, voilà tout ». Nous le sommes aussi en faisant cette lecture. Un texte à lire et à faire lire à tous ceux qui font rêve d’écrire.
En conclusion, un texte inachevé de Geneviève Amyot, baptisé « Ma fille ». Il s’agit d’un troublant poème, d’un texte-corps qui met en évidence les paradoxes de la transmission : « Ma fille est si chaude que j’en perds enfin la mémoire ».
Entre les deux, on redécouvre des voix qu’on a un grand plaisir à voir émerger depuis quelques années (Marie-Andrée Gill, Erika Soucy, Laurance Ouellette Tremblay) et on écoute attentivement celles qui nous accompagnent depuis plus longtemps (Hélène Dorion, Denise Desaultels, Louise Dupré). C’est au milieu de tous ces croisements de générations, de langues, de préoccupations, qu’on prend plaisir à entendre la parole de Miron se (re)commencer. Encore.
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