Marie Redonnet n’avait pas publié de roman depuis plus de dix ans. En 2016, en nous offrant La femme au colt 45, l’écrivaine livre une histoire de migration clandestine qui nous renvoie à l’actualité brûlante. Le parcours de Lora Sander, migrante séparée de son mari et de son fils pour faire le voyage entre l’Azirie et la Santarie, évoque le déracinement, les faux espoirs, la violence, le viol, l’abus de pouvoir, mais aussi les rencontres qui changent le monde. En cherchant à fuir un pays dévoré par la dictature, Lora rencontrera sa part de peines avant de trouver une certaine forme de liberté à l’issue de ce parcours de combat.
L’un des tours de force de ce roman est de refuser tout ancrage géographique ou toute précision historique. Nous savons que la trame est contemporaine par l’évocation des technologies de communication, mais rien n’est précisé davantage. Tous les lieux sont imaginaires, sauf les villes de Karachi et de Bucarest, centrales à l’histoire de Manou, premier patron de Lora à Santaré. Prénoms italiens, évocation du fanatisme religieux, une Nina Pratz qui vient d’Amérique latine, une ancienne cantatrice amoureuse de musique africaine. Nous sommes nulle part et partout à la fois, au confluent des cultures, dans une ville où se retrouvent plusieurs sans-papiers.
Ce pari permet au roman de se présenter comme une fable universelle. Le style blanc et dépouillé de l’écrivaine n’en devient que plus percutant. Les brèves incursions d’une narration externe – sortes de didascalies – introduisent les longs monologues de Lora, justement une ancienne actrice de théâtre. Ces monologues usent souvent de la parataxe, et l’absence de liaison entre les phrases donne un sentiment de froideur : « Mes pieds sont tout enflés. J’ai mal partout. Je ne suis pas entraînée à porter un sac aussi lourd ». Ce style peut surprendre en début de lecture, mais crée rapidement une musique bien particulière qui évoque le détachement nécessaire pour survivre devant tant de bouleversements et de déchirements.
Et le Colt 45 ? Si la proposition de Marie Redonnet est un conte, le Colt 45 en est l’objet magique par excellence. Cadeau offert à Lora par son père, le fusil jouera tout au long du récit le rôle d’un pharmakon : sauveur et poison tout à la fois.
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