Depuis une première monographie illustrée lui ayant été consacrée en France dans la très belle collection « Poètes d’aujourd’hui » chez Seghers en 1964 (sous la plume de Luc Bérimont), on trouve une dizaine d’ouvrages consacrés à Félix Leclerc (1914-1988).
L’essai de Ginette Pelland part d’une synthèse de diverses sources et de commentaires afin d’analyser successivement les écrits autobiographiques, puis les œuvres théâtrales, romanesques, poétiques de notre célèbre poète, en plus de présenter ses essais et plusieurs des chansons. Les passages les plus intéressants racontent la genèse de « Notre sentier », composée en 1934, et de plusieurs autres chansons – les « classiques », comme « Le Petit Bonheur », mais aussi les chansons moins connues.
Félix Leclerc, écrivain du pays n’est pas tout à fait une biographie, ni une étude systématique sur le nationalisme québécois ; les œuvres sont mises en perspective selon leur contenu, les valeurs qu’elles prônent et la critique qu’elles suscitèrent lors de leur parution. Les débuts de l’écrivain Félix Leclerc furent très difficiles : la critique du grand Marius Barbeau – partisan acharné du bon perlé français – écorcha son tout premier livre paru en 1947. Comme on le sait, les grandes reconnaissances et la consécration sont d’abord venues d’Europe. L’animateur québécois Jacques Normand a d’ailleurs joué un rôle de catalyseur autour de 1950.
Ce très beau portrait littéraire mérite d’être lu, même si l’éditeur Michel Brûlé n’a pas su repérer certaines répétitions dans le texte. Ainsi, l’épisode du retour du jeune Félix Leclerc à la ferme de ses parents, déjà présent dans le livre Moi, mes souliers, est ici relaté deux fois, au début et à la fin du livre. « Heureusement que tu as de l’argent », lui dit son pauvre père en l’apercevant en pleine nuit, près du seuil de la maison familiale, après une longue absence. Mais le fils prodigue était alors sans le sou et trop honteux pour l’avouer.
Pourquoi lira-t-on ce livre de Ginette Pelland au lieu des savoureux ouvrages autobiographiques de Félix Leclerc ? Probablement parce que contrairement à Pieds nus dans l’aube et Moi, mes souliers, le livre Félix Leclerc, écrivain du pays rassemble des commentaires sur les œuvres ainsi que plusieurs analyses subséquentes qui ajouteront à notre compréhension du contexte dans lequel évolua le poète. La fantaisie inimitable et la touche personnelle que Félix Leclerc savait transmettre dans ses premiers livres sont ici compensées par un point de vue externe et un jugement général sur une œuvre immensément riche.