Dans la foulée de la célébration, en 2010, du centième anniversaire de l’enseignement de la foresterie à l’Université Laval, Jean des Gagniers offre une réflexion sur le thème de la forêt dans l’œuvre de Félix-Antoine Savard. Le préfacier Hugues Sansregret, directeur des opérations à la Forêt Montmorency, salue d’abord en Savard « celui qui, de tous nos écrivains, a le mieux célébré et chanté la forêt ». Il rappelle les activités de l’auteur comme professeur, fondateur de paroisse, missionnaire-colonisateur, folkloriste, promoteur de la Papeterie Saint-Gilles, et souligne la parution de ses deux premiers livres, Menaud, maître-draveur et L’abatis, inspirés en grande partie de la forêt. Robert Beauregard, doyen de la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique, signe ensuite un avant-propos où il présente brièvement l’ouvrage de Jean des Gagniers en s’attachant tout particulièrement au « texte clef » qu’est le discours prononcé par Savard en 1950 devant l’Association des ingénieurs forestiers du Québec : ces paroles « sont encore d’une étonnante actualité et d’une persistante pertinence », dit-il.
Jean des Gagniers divise son travail en deux parties. La première étudie le thème annoncé en convoquant les différents épisodes biographiques qui y sont associés, tels l’introduction de l’auteur en forêt grâce à son père, à Chicoutimi, son parcours initiatique dans Charlevoix, sa révolte personnelle devant les camps crasseux des bûcherons, d’où allait naître Menaud, maître-draveur, ses emprunts à Virgile, dans L’abatis notamment, sa découverte des montagnes de Sainte-Agnès, la présence des arbres, résineux et feuillus, dans une œuvre où sont aussi nommés les nombreux lacs et rivières charlevoisiens et où figurent en bonne place les hommes des bois. Jean des Gagniers clôt cette première partie en évoquant le susdit discours de 1950.
C’est ce dernier texte du reste qui inaugure le second volet, anthologique celui-là, du livre. Félix-Antoine Savard, alors doyen de la Faculté des lettres de l’Université Laval, y esquisse ce qu’est la forêt en elle-même et en rappelle le « rôle historique » et patrimonial au Québec, avec les conséquences qui en découlent : « un patrimoine oblige l’héritier », y lit-on. Choisis en relation avec la forêt et ses différentes composantes matérielles et humaines, les extraits qui suivent proviennent de plusieurs sources, de Menaud, maître-draveur à Carnet du soir intérieur, en passant par L’abatis, Le barachois, Le bouscueil, Journal et souvenirs et les haïkus d’Aux marges du silence. Toujours y affleure le lyrisme poétique caractéristique d’un auteur qui décrit la nature physique en s’élevant résolument à un second niveau, fait d’hymnes à la beauté ou de considérations porteuses d’enseignements. Si l’on peut s’étonner de ne pas y lire la pièce canonique « Les oies sauvages », on redécouvre entre autres avec le plus grand bonheur « L’abatis », le texte éponyme du recueil de 1943, de même que le plantureux « Huard », qui n’en finit pas d’éblouir par sa singulière qualité artistique.