Le dernier roman de la Finlandaise Tove Jansson (1914-2001) a été publié en 1989, mais n’a été traduit en français que trente ans plus tard. L’écrivaine et peintre suédophone est surtout connue grâce à ses livres illustrés pour enfants, dont les Moumines, sur une famille de gentils trolls qui ressemblent à des hippopotames.
En une quinzaine de brefs chapitres, l’auteure raconte dans Fair-play quelques épisodes de la vie de Jonna et Mari, deux créatrices en arts visuels. Les amantes vivent sous un même toit, près du port d’Helsinki, mais dans deux appartements distincts, ce qui n’est pas sans rappeler la liaison qu’avait la romancière avec sa partenaire de vie Tuulikki Pietilä (1917-2009), une graphiste finno-américaine. « Elles vivaient chacune à l’extrémité d’un grand immeuble non loin du port. Leurs deux ateliers étaient séparés par un grenier, un no man’s land impersonnel. »
Dans une ambiance romantique à souhait toute de brume, de pluie et de mer nordiques, de thé et de cigarettes aussi, la romancière partage ses réflexions sur l’art et sur la vie. En petites touches délicates et très colorées, elle dépeint la vie bohème de ces deux femmes remarquables qui vivent au milieu d’un joyeux capharnaüm. Leur quotidien est parfois rompu par le visionnement d’un film d’auteur, souvent muet, dont « elles parl[ent] avec gravité et de façon détaillée ».
Les deux artistes partagent aussi une maison sans électricité sur la minuscule île de Klovharu, au large d’Helsinki. « La pièce avait quatre fenêtres, car la mer était belle dans toutes les directions. » Tove Jansson décrit leur vie maritime et leurs sorties en mer avec passion et minutie. « L’îlot avait la forme d’un atoll. Une bordure rocheuse autour d’une lagune peu profonde, un glo, un creux, relié à la mer par un étroit passage, qui s’était formé en raison du rebond postglaciaire. » Travail, amour et liberté définissent et comblent leurs vies. Très différentes pourtant, les deux complices semblent complémentaires. L’honnêteté de leur relation et de leur amour explique sans doute le titre de l’œuvre, car elles veulent toujours avoir un comportement fair-play entre elles. « Elle dit avec toute la gentillesse dont elle était capable que Jonna était tellement importante pour elle qu’il lui serait impossible de vivre sans elle. »
Tove Marika Jansson a reçu en 1966 le prix international Hans-Christian-Andersen, surnommé le petit prix Nobel de littérature et décerné tous les deux ans en reconnaissance d’une « contribution durable à la littérature pour enfants ».