Au moment où les théories sur le genre (gender studies) et les études sur la masculinité (men studies) sont en émergence dans la francophonie, le livre du professeur Victor-Laurent Tremblay tombe à point nommé. L’auteur avait déjà consacré son mémoire de maîtrise au thème de « la révolte contre le patriarcat dans l’œuvre de Marie-Claire Blais » (1980). Dans Être ou ne pas être un homme, Victor-Laurent Tremblay investigue autant notre histoire littéraire à travers des œuvres-phares, nos héros, des symboles partagés, que notre société et son identité nationale, insérée dans une tradition patriarcale. Il explore comment des figures masculines sont représentées dans des œuvres aussi variées que Menaud, maître draveur, en continuité directe avec Maria Chapdelaine, ou encore dans de nombreux romans québécois ayant la guerre comme toile de fond. Au premier chapitre, discutant de la représentation de la masculinité, l’auteur situe les rapports essentiels entre le roman, issu de l’imaginaire, et la réalité : « Plutôt que de refléter la réalité à la façon d’un miroir comme le proposait Stendhal, le roman fonctionnerait comme un kaléidoscope où une série de miroirs fractionnent le réel, le fragmentent pour recomposer quelque chose d’autre qui fait appel à notre imagination ».
Le chapitre sur les sports est particulièrement exhaustif, citant des œuvres aussi différentes que le roman Un été sans point ni coup sûr (Les 400 coups, 2004) de Marc Robitaille et le recueil de poèmes Les poètes chanteront ce but (Écrits des Forges, 1991) de Bernard Pozier. Sa liste de romans ayant abordé de près ou de loin le thème « fondamentalement canadien » du hockey est impressionnante. En outre, l’auteur inclut dans son corpus de nombreuses œuvres franco-ontariennes.
J’ai été renversé par la force de ce livre, sa clarté, par l’ampleur de sa documentation (conceptuelle, théorique) et par son large corpus comprenant à la fois des ouvrages québécois et canadiens. En somme, Être ou ne pas être un homme rejoint en qualité l’essai Re-Thinking Men (Ashgate, 2010) du professeur Anthony Synnott de l’Université Concordia ou encore le collectif Canadian Perspectives on Men and Masculinities, An Interdisciplinary Reader (Oxford University Press, 2011), dirigé par le professeur Jason A. Laker. Par la justesse de son cadre théorique, cet excellent livre de Victor-Laurent Tremblay servira longtemps de référence dans le domaine des études sur le genre.