Il faut se réjouir que l’éthique ne soit pas (encore) un fief de spécialistes et qu’on invite autour de son berceau des fées aux pouvoirs diversifiés. Ce sera un triste jour que celui où, par démission des consciences, organisations et ordres professionnels réserveront à leur éthicien maison le soin exclusif de trier les pommes sur l’arbre du bien et du mal. Cela dit, les débats au cadre trop flou et à l’accueil trop poreux ne sont pas toujours d’une grande fécondité.
Un ouvrage collectif comme celui-ci témoigne à la fois des bienfaits et des risques de la dispersion. Que tous les participants ne partagent pas la même conception de l’éthique ne serait pas un mal, bien au contraire, si l’on avait éliminé quelques-uns des plaidoyers pro domo et surtout les textes sans rapport avec l’éthique. Quand, par exemple, Luc Lavoie traite de la gestion des crises, il ne s’adresse pas à des consciences, mais à des gestionnaires préoccupés de leur survie. Quand Pierre Lecomte vante le Bureau fédéral du conseiller en éthique sans jamais sentir que ce service ne jouit pas de l’autonomie minimale, quelque chose cloche. Que l’on demande une appréciation de l’éthique corporative à ceux qui, à Hydro-Québec ou au Mouvement Desjardins, ne peuvent que louanger le comportement de leur employeur, il y a, là encore, malentendu. Le principe, pourtant éthique, est simple : celui qui fait partie du défilé ne peut décrire le défilé.
Heureusement, Pierre Lucier, Guy Breton, Isabelle Hachey, Marcel Proulx et quelques autres évitent l’autocongratulation et comprennent que l’éthique ne se réduit pas à identifier et à esquiver les conflits d’intérêts.