Encore peu de résidents de la capitale nationale connaissent le Morrin Centre, que l’on surnomme « la bibliothèque anglaise de Québec ». Pourtant, ce vénérable centre culturel et littéraire existe depuis deux siècles et son intérieur n’a pas changé. Aucun livre ne lui avait été consacré depuis 1924, avec The Centenary Volume of the Literary and Historical Society of Quebec, 1824-1924, aujourd’hui épuisé. Le présent ouvrage constitue une première en langue française sur l’histoire de cette société littéraire et historique qui représente l’une des dernières institutions de langue anglaise à Québec.
Rassemblant trois essais distincts mais inégaux, Étagères et barreaux de fer ne comprend pas de notes en bas de page et ne s’apparente pas à un livre universitaire. La première moitié touche la triste vie quotidienne dans cette ancienne prison, avec listes de prisonniers et portraits de ses geôliers. Les deux chapitres suivants sont plus intéressants. L’excellent exposé de Patrick Donovan (« Un bastion presbytérien dans le Québec catholique ») explique éloquemment la naissance de l’enseignement supérieur à Québec et au Canada en se centrant sur les activités du Morrin College, entre 1862 et 1902. À cette époque, la Faculté des arts du Morrin College était le cœur de cette institution et était affiliée à l’Université McGill. Mais en 1844, la jeune Université McGill était alors considérée comme « une école secondaire de troisième ordre ». Patrick Donovan rappelle le contexte multiconfessionnel caractérisant le Québec colonial et la rivalité entre les évêques catholiques et les anglicans protestants pour le contrôle de l’éducation ; c’est ce qui amena John Cook et Joseph Morrin à fonder des institutions de langue anglaise à Québec afin de rivaliser avec l’Université Laval.
Enfin, Louisa Blair évoque la Literary and Historical Society of Quebec, fondée en 1824, avec son musée d’histoire naturelle et ses collections d’herbiers. D’autres associations comme la future Société historique du Canada ont promu la préservation du patrimoine du Vieux-Québec et de ses maisons datant du Régime français. Mais ce sont les pages consacrées à la bibliothèque elle-même (« Des livres liquidés à la tonne ») qui fascinent et qui fendent le cœur : tant d’ouvrages anciens, d’incunables et d’artéfacts ont été recueillis, conservés durant des siècles, puis revendus ou cédés à des intérêts privés ou à l’étranger. Fut ainsi dilapidé un patrimoine livresque cumulé au fil des siècles sous prétexte d’un manque de ressources financières, de copies délabrées ou de dédoublements de certains exemplaires. Un livre ne pourra jamais remplacer un autre livre.