Dans la Californie des années 1950, l’ex-marine Lee est à l’usine, pendant que sa femme Muriel travaille dans un bar. Un petit monde, de petits rêves. Jusqu’au jour où débarque chez eux le frère de Lee, le troublant Julius. Chacun d’entre eux tentera alors de s’émanciper d’un quotidien trop lourd.
La primoromancière Shannon Pufahl semble aussi à l’aise dans le milieu interlope et suranné de son roman Nous nous enfuirons sur des chevaux ardents que si elle y avait toujours vécu. Elle décrit une Amérique puritaine dans laquelle de médiocres personnages, joueurs sur les champs de courses hippiques, tricheurs dans les casinos de Las Vegas ou survivants de la guerre de Corée, se baladent et errent dans leurs vieux pickups rouillés et empoussiérés.
Le monde étriqué de Nous nous enfuirons sur des chevaux ardents a pourtant des accents de romans westerns, non seulement à cause du titre, mais surtout à cause du grand besoin de liberté qu’éprouvent les protagonistes. Bientôt arriveront sans crier gare les grands bouleversements des années 1960 ; la modernité et son ouverture aux autres ne sont pas loin mais, pour le moment, en 1956, on apprécie peu la différence dans les États-Unis de l’après-guerre.
Or, Muriel et Julius sont, eux, bien différents.
L’indépendante Muriel apprendra, contre toute attente, à miser sur les bons chevaux et se fera une petite fortune aux courses. Muriel qui ne sait pas communiquer avec son mari Lee, Muriel qui s’amourache de son beau-frère Julius et qui part à sa recherche, Muriel qui désire ardemment autre chose, une autre vie. « Que voulait-elle donc ? Venger la liberté de sa mère. Venger sa spontanéité et sa témérité, le pouvoir que ces qualités maternelles lui avaient conféré à elle, Muriel, mais aussi la solitude qui en découlait. »
Julius, l’enfant gâté, le voleur qui veut tout et tout de suite, Julius l’homosexuel à l’étroit dans cette société trop bornée et qui rêve d’un monde sans convention, Julius qui s’entêtera à poursuivre un amour impossible, qui fera et refera les mêmes mauvais choix, malgré les cuisantes défaites. « L’aube le réveille mais il reste longtemps allongé sans bouger. Il cherche à sentir une à une les parties de son corps jusqu’à ce qu’il soit certain d’être vivant. La marée descend. Ses vêtements sont trempés et raides de sel. »
Et puis il y a aussi Lee, qui veut comprendre sa femme Muriel, laquelle part, revient, désire parfois les hommes, parfois les femmes. « Le plaisir qu’éprouve son mari à la voir revenir est une chose qu’il faut modérer, comme si ce plaisir recelait une forme de terreur. »
L’écrivaine Pufahl a opté pour une construction labyrinthique, dans laquelle les longues – et fort belles – descriptions abondent. Le lecteur peine cependant à se retrouver dans cette chronique aux allures de photographies d’époque, ou de tableaux de Hopper, et, malgré l’intérêt des thématiques abordées, il s’ennuie un peu.
Après avoir obtenu un diplôme de maîtrise en littérature américaine à l’Université du Kansas, là où elle a grandi, Shannon Pufahl a fait des études doctorales en littérature et culture américaines à l’Université de Californie. Elle enseigne aujourd’hui l’écriture créative à l’Université de Stanford et vit à Monterey, en Californie.