Lorsqu’elle avait pris la plume, à quatre-vingt-dix ans, pour demander des explications aux écrivains à succès signataires d’une pétition pour demander l’instauration en France du prêt payant en bibliothèques, l’impertinence d’Ernestine lui avait valu les honneurs du très sérieux magazine Télérama et de France Culture qui, pendant quelques mois, lui avait proposé une chronique. « On n’a pas fait la Révolution de 1789, proclamait-elle alors, pour qu’on nous mette la gabelle sur les livres ».
Depuis, du fond de sa campagne angevine, elle lâche de temps en temps sa brouette pour reprendre la plume et admonester tous ceux, qu’ils soient maires, députés, publicitaires, évêques ou militaires…, qui nous polluent la vie quotidienne. Elle leur fait part de ses commentaires, de ses expériences, de sa vision personnelle et leur prodigue ses conseils impertinents ou farfelus.
Voici par exemple en quels termes elle commente la grande messe estivale que représente le Tour de France : « Quand on en a eu à la campagne, des vélos, c’était un sacré progrès. Mais maintenant que je vois tous ces pauvres gars qui passent un mois à pédaler comme des bagnards avec des publicités jusque sur leur caleçon, je me dis qu’on est tombé bien bas. […] Si c’était des chiens qu’on faisait courir comme ça sur des vélos, on aurait Brigitte Bardot qui se coucherait sur la route pour empêcher le départ… » Tout est à l’avenant, qu’elle s’adresse au maire de Paris, au directeur des télécommunications, au ministère de la Culture ou au responsable d’une conserverie de cornichons…
Ernestine a maintenant quatre-vingt-quatorze ans. Comme le bon vin, elle n’a cessé de se bonifier avec le temps. Le succès est tel que ses lettres ont été théâtralisées et que le spectacle fait salle comble dans l’ouest de la France. Dépêchons-nous de les déguster.