Avec son tout premier recueil de nouvelles, la scénariste et réalisatrice Marie Cadieux propose une relecture des premières années de la vie et de leurs empreintes sur l’âge adulte. L’enfance, chez Cadieux, n’est ni le temps de l’enchantement ni, à l’opposé, celui des tragédies indélébiles mais plutôt une période poreuse comme du bois tendre où les événements, même les plus minuscules, s’incrustent. Là, une trace de doigt. Là encore, un coup de canif. Ailleurs, une entaille plus profonde… Pour Antoine, cette fissure sera celle d’un uniforme et du visage soudain éteint de son père. Pour Maude, le chant coincé dans la gorge. Et pour Adèle, un cadeau d’anniversaire particulier.
En peu de mots et quelques images prégnantes, Marie Cadieux saisit le lecteur et l’entraîne au cœur de cette fissure où s’engouffrent ses jeunes personnages. La nouvelliste maîtrise l’art de nous ramener aux émotions de l’enfance, nous laissant tout aussi désemparés que Mona, Pablo ou Anne qui, à six ans, ne comprend pas ce qui est arrivé à son grand frère. « Peut-être que c’est une pièce. Elle l’a vu une fois au Monument Lefebvre, il était le meilleur sur la scène. Alors si elle l’embrasse, il va sans doute ouvrir les yeux, se lever pour la faire valser. Elle monte sur le petit marchepied en velours, se penche sur le beau lit de satin. Un grand cri déchire le silence. Anne s’envole dans les airs. Elle voit le visage de son papa, grimaçant, rouge. »
Enfance et autres fissures comprend dix nouvelles regroupées en deux parties. Si celles mettant en scène de jeunes personnages convainquent sans hésitation du rare talent de Marie Cadieux à laisser entendre les voix de l’enfance, le choix des « autres fissures » surprend. D’une écriture tout aussi maîtrisée et sans être inintéressantes, certaines de ces nouvelles détonnent par leur côté fantastique (« Bleu, bleu »), mystérieux (« Jour anniversaire ») ou érotique (« Transports »). On cherche en vain la profondeur et la force contenue qui traversent « Les petites économies », « L’uniforme », « Premier jour », « Le salon » ou même « Le courage ».
Mais cela n’est qu’un très léger bémol, et peut-être tout simplement le regret de n’avoir pu continuer de suivre encore et encore Marie Cadieux sur les chemins de l’enfance. Ne nous reste qu’à attendre avec impatience sa prochaine publication