S’il existe un poète qui mérite d’être reconnu pour la justesse de ses observations tout comme pour sa clairvoyante ironie, c’est Patrice Desbiens. En temps et lieux 2 fait écho au recueil du même nom paru en 2007. Dépouillement, laconisme assumé, tempérante simplicité, voilà comment on pourrait qualifier cette écriture que la critique a souvent classée sous le terme générique de « poésie du quotidien ». Ici, les vers sont brefs, la phrase est construite de courts motifs. Sans contredit, Desbiens fait preuve d’une maîtrise de la formulation qui se distingue par sa manière habile, mais aussi narquoise et fanfaronne à jouer avec la richesse de la langue populaire. C’est connu, le poète est passé maître dans l’art de mettre en mots les poncifs et les grandes évidences, comme dans « Curveball (à Robbert) », où, s’adressant au regretté Robbert Fortin, il déclare : « C’est drôle à dire / mais la seule gloire / qu’on offre aux poètes / c’est la mort ». Voilà donc comment le poète exploite les banalités de la vie courante en les transformant en de vibrants témoignages. Sur le plan des thèmes qui sont abordés, retenons une suite de cinq poèmes qui constitue en quelque sorte un hommage, un tombeau, à Robert Dickson, professeur et homme de lettres franco-ontarien. « Ranger down », de son côté, offre un clin d’œil au batteur de jazz Claude Ranger, un musicien oublié. Enfin, d’autres textes rendent compte d’un univers plus intime ; « La robe tout croche » ou « Des brocolis sur l’horizon » participent de cette veine. L’éditeur L’Oie de Cravan a l’habitude de produire des ouvrages d’une facture originale, et pour ce nouveau recueil, c’est la forme d’un cahier d’écolier qui a été privilégiée. Il serait donc inconvenant de passer sous silence le travail d’édition de la petite maison qui, encore une fois, nous offre un livre-objet d’une présentation matérielle sensible et harmonisée au discours poétique dont il se fait porteur.