Le dernier tome de la pléthorique autobiographie de l’auteur, Mon combat, se terminait par la phrase suivante : « Je savourerai vraiment l’idée que je ne suis plus écrivain » (Fin de combat). C’était en 2011, après qu’il eut couché sur papier le récit de sa vie, une entreprise qui, au bout de 4 600 pages et de 6 volumes, l’avait laissé physiquement, nerveusement et moralement exténué.
Son sevrage d’écriture aura duré quatre ans. Comme un drogué privé de sa dose quotidienne, mais qui trouve le moyen de satisfaire son besoin d’écrire, il entreprenait en 2015 la publication d’un cycle de quatre livres sous le titre générique Quatuor des saisons. Son projet ? Écrire, chaque jour, un court texte sur un sujet préalablement choisi.
Entrepris au moment où sa femme attendait leur quatrième enfant, ces recueils de mini-essais, dont chaque volet a pour titre le nom d’une saison, étaient – on aurait pu le penser – destinés à présenter le monde à sa fille à naître. Mais, on le sait, Knausgaard pratique volontiers l’écriture « musardière ». Il s’éloigne donc très vite de ce faux projet initiatique pour bifurquer vers des considérations abstraites sur des sujets tous azimuts comme la pluie, les bouches d’égout, les cortèges funèbres, le sexe, les cotons-tiges ou le vomi, par exemple. D’une certaine façon, ce Quatuor des saisons constitue le prolongement de Mon combatpuisqu’il poursuit sa plongée dans son monde intérieur.
En hiver en constitue un bel exemple.
Les 60 très courts textes (de 3 à 4 pages) qui le composent n’ont pas tous la même valeur, bien sûr. On pourra par exemple s’interroger sur l’utilité d’insérer dans son ouvrage des portraits d’amis qui ne nous sont jamais présentés ou encore de se fendre d’un texte sur l’ontologie de la chaise. Mais ses textes sur « les cadeaux de Noël », « les bottillons » (dont une paire le rendit si près du bonheur absolu) ou ce qu’il dit de son père dans le chapitre intitulé « L’hiver » en émouvront plus d’un. En outre, de sujets d’une apparente banalité, il sait tirer souvent une morale, une leçon de vie, ou en faire une illustration de l’état du monde.
Dans En hiver, tout le monde trouvera de quoi confirmer ses a priori concernant Knausgaard. Ceux qui détestent sa littérature y trouveront la preuve de son narcissisme, dans son besoin de se mettre une fois de plus au centre de son œuvre, et de sa superficialité, par la banalité de certains sujets traités. Mais ceux qui l’adorent retrouveront avec bonheur cet esprit brillant, torturé, candide et intensément intéressé par l’univers dans toutes ses manifestations, aussi bien les plus triviales que les plus exaltantes.