Parmi les récits des voyageuses et des voyageurs québécois, rares sont ceux qui portent sur le Chili ou l’Argentine, deux pays d’Amérique du Sud marqués aux fers rouges des dictatures. En cela, le récit de voyage de Monique Thouin ne manque pas d’originalité. De Santiago jusqu’au désert d’Atacama, l’un des plus arides du monde, en passant par la mythique Valparaiso où elle visite la maison du célèbre poète Pablo Neruda ; de la capitale mondiale du tango jusqu’à la jungle du parc national d’Iguazu, la voyageuse relate ses mésaventures, ses excursions, ses rencontres, ses découvertes, avec tout ce que cela entraîne d’émerveillements et de désillusions. Au cours de son séjour de novembre et décembre 1999, elle est particulièrement frappée par le contraste entre la pauvreté et la richesse, par la fragilité de la démocratie au sein de ces deux pays. Dans ce contexte, malgré sa beauté, le Chili suscite la déception, « le plus bel écrin pouvant décevoir si en son centre on voit perdurer injustices et inégalités ». « Pour la première fois de ma vie, écrit l’auteure à la fin de son périple chilien, je ne me suis pas sentie chez moi sur un morceau de planète. J’en pars le cœur inconquis, ébranlée dans mon humanité la plus intime. » L’Argentine, ce Sud qui « sue du sang », n’a guère droit à plus de clémence. « N’y a-t-il donc que les oiseaux qui n’aient pas de chaînes aux pattes dans ce pays? », demande-t-elle. L’excursion aux chutes d’Iguazu a raison de sa détermination alors qu’elle se fait vider son porte-feuille pendant son sommeil. La fin du voyage prend alors la forme d’un véritable combat pour assurer des besoins primaires comme manger, boire, dormir, se sentir en sécurité. Au demeurant, n’est-ce pas là l’un des intérêts des récits de voyage, soit de nous priver, par personne interposée, de notre confort et de nos valeurs afin de nous les faire mieux apprécier (ou de les remettre en question) ; de nous faire vivre un rituel initiatique, une descente aux enfers symbolique pour renaître autre ?
L’ouvrage est orné de photographies et de reproductions d’œuvres d’artistes chiliens et argentins. On y trouve également quelques encadrés qui fournissent des informations politiques et économiques sur les deux pays visités.