Alissa York – née en 1970 à Athabaska (Alberta) de parents australiens – vit aujourd’hui à Toronto. Pourtant, son deuxième roman, Effigie, une épopée historico-fictive un rien glauque, se situe dans la communauté mormone de l’Utah au XIXe siècle. Un impressionnant décalage dans l’espace et le temps.
Quel talent possède Alissa York pour raconter le chassé-croisé de ces personnages pas toujours sympathiques, parfois odieux. Erastus Hammer, cinglé et polygame, habite son ranch avec ses épouses et un traqueur indien, avec qui il entretient une relation ambiguë. « Un chasseur habile doit être apprécié par le Peuple paiute. »
Quant aux quatre épouses La première, l’austère sœur Ursula, d’une piété implacable frôlant l’hystérie, assure l’éducation des enfants du clan. Sœur Ruth vit enfermée dans sa magnanerie où elle cultive ses vers à soie, en extase perpétuelle. La pécheresse sœur Thankful aime le sexe, les déguisements et surtout le plaisir de vivre. L’enfant Eudora – Dorrie –, la quatrième épouse solitaire et amnésique, est taxidermiste, raison pour laquelle Erastus l’a introduite dans le harem : pour empailler ses trophées de chasse.
Rescapée du massacre de Mountain Meadows (1857), l’orpheline Dorrie a été adoptée par un couple de mormons d’une piété douteuse. Fait véridique dont l’auteure s’est inspirée, l’hécatombe a été perpétrée par des mormons et des Indiens sur des pionniers de l’Ouest qui ont eu le malheur de croiser leur chemin.
Passions, secrets et frustrations animent ces êtres complexes dont les tensions sont finement décrites. La situation est au point de rupture, par jalousie, trahison ou cupidité. « Dire qu’un homme pouvait être ainsi dominé par la vanité. » Deux jeunes hommes viennent envenimer le tout : la « mauvaise graine de fils aîné » d’Erastus en quête d’expériences troubles et l’homme engagé, Drown, trop sensible aux charmes de Dorrie. Ce qui devait arriver arrivera.
Alissa York a le souffle nécessaire pour produire cette superbe fiction historique, même si sa narration en zigzag est parfois exigeante.