À l’heure où l’ADQ monte et descend dans les sondages, où la commission Bouchard-Taylor est sur toutes les lèvres, un grand nombre d’intervenants expriment des opinions parfois originales, mais souvent peu articulées. Toutefois, c’est la discrétion d’une certaine élite québécoise qui étonne le plus. Où sont les intellectuels, les penseurs d’ici ?
Dans son essai Écrits à contre-courant 2, Question nationale et lutte sociale, la nouvelle fracture, Jacques Pelletier (re)place le Québec dans l’Histoire récente et décrit la « fracture qui place la question nationale au cœur du débat public sans toutefois la trancher ». Pelletier, professeur à l’Université du Québec à Montréal, auteur et polémiste, résume, de main de maître, la scène politique québécoise des quarante dernières années en insistant sur le « clivage entre souverainistes et fédéralistes ». Le travail de synthèse est tellement réussi qu’on se demande pourquoi l’auteur n’est pas plus souvent présent aux tables rondes organisées par les médias Tout à fait à gauche (l’ouvrage est dédié à François Cyr, Françoise David et Amir Khadir), l’auteur s’interroge sur « l’avenir de la gauche québécoise, le rôle des intellectuels, le statut et la fonction de la littérature et des écrivains », surtout depuis le 11 septembre 2001.
En revenant sur la crise d’octobre 1970 ou sur des textes fondateurs comme La fatigue culturelle d’Hubert Aquin et l’inénarrable débat entre ce dernier et Pierre Elliott Trudeau, Pelletier offre une vision trop souvent absente des débats actuels. En effet, la fracture qu’il décrit semble servir de repère à des maux irrésolus qui explosent soudainement sur la place publique. « [L]a politique, affirme Jacques Pelletier, n’est pas l’envers de l’éthique, mais bien le lieu où celle-ci trouve sa concrétisation. »