Le carnet n’appartient pas à la liste des genres littéraires établis. On en trouve pourtant chez de grands auteurs dont les seuls noms attirent chercheurs et lecteurs. Forme libre, il peut tenir de l’avant-texte, du brouillon de l’œuvre en gestation. Ou simplement d’un recueil de réflexions, de citations, de moments intimes. Bref, le carnet s’avère un espace d’exploration au contenu hybride.
Danielle Dussault voit son carnet comme « un acte de ‘réflexion’ dans tous les sens du terme ». Locataire pour une durée limitée d’un studio au Centre international d’accueil et d’échanges des Récollets à Paris, elle est partie loin de chez elle pour retrouver ce qu’elle appelle sa maison intérieure, sa souveraineté. C’est, avec son besoin et son désir d’écrire, de son propre aveu véritable acharnement, l’une des rares intentions conscientes qui l’habite. Ses errances dans le Xe arrondissement de Paris lui offrent des sujets d’observation, l’envie de capter l’âme du « pays de la gare de l’Est ». Des images surgissent à la hauteur des bons sentiments qui l’animent à la vue de la « ville migratoire » peuplée de sans-toit, de réfugiés, d’indigents, bref de « solitudes aux multiples visages » : « Redonner des ailes à la communauté humaine qui souffre […] » sera son projet d’écriture. Toutefois elle admet plus loin, sans dire pourquoi, qu’il s’agit d’un « terrible malentendu ».
L’autrice se garde de trop se livrer. Son mal-être est toutefois perceptible dans ses rapports avec autrui, dans son secret désir d’être reconnue « sans être vue », mais surtout dans cet incessant besoin d’écrire réitéré de multiples façons, et qui n’aboutit pas. Elle n’arrive pas ou ne veut pas cerner le blocage. Véritable supplice de la goutte d’eau. Ce n’est pourtant pas la qualité de la plume qui est en cause, l’écrivaine pratiquant une langue littéraire soignée au riche vocabulaire et à la tonalité poétique.
Il m’en coûte de pousser plus loin mon raisonnement en osant demander si une belle écriture peut suffire à elle seule à susciter l’intérêt du lecteur quand le texte tourne en rond ? Si une écriture parfaite peut réussir à masquer la vacuité du propos ? Du point de vue d’un auteur, ce genre de texte ne devrait-il pas demeurer un discours pour soi susceptible de trouver son développement dans une œuvre ultérieure ?