Même si la publication posthume de Domme ou l’essai d’occupation se fit chez Fata Morgana en 1982, la première édition intégrale date de 1990. Récit personnel à l’ambiance pastorale et archaïque, Domme raconte l’irruption d’une conscience médiumnique dans un coin du Périgord, qui passe pour posséder d’immenses pouvoirs telluriques. Le narrateur rend compte de ses journées passées dans une grotte, où il se livre à d’étranges rituels incantatoires, tels brûler de l’encens en hommage à la « Lumière Primordiale » ou allumer une « Roue de Feu » (un cercle tracé à l’essence). Il doit composer avec l’hostilité du maire, qui, peu réjoui par sa présence à Domme, l’a sommé de se tenir tranquille, sans quoi il serait expulsé. En contrepartie, le médium ermite peut compter sur l’amitié de la fille d’un chaudronnier, la petite Céline, et d’un garçon paysan, qu’il a surnommé « Krishna ». Comme c’est le cas pour l’ensemble des écrits d’Augiéras, l’inspiration est autobiographique. À la fin des années soixante, Augiéras, malade, avait séjourné dans une maison de repos près de Brantôme, avant d’être contraint par les services sociaux de changer de lieu d’hébergement. Dans l’urgence, il s’est retrouvé à l’hospice de vieillards de Carsac-Aillac, à Saint-Rôme. Pour échapper à la puanteur et au tapage qui y régnaient, il prit l’habitude de fuir l’hospice pendant le jour. La Dordogne, tout près, était belle, puissante et sauvage. Il s’installa dans une grotte à flanc de falaise pour y adorer à loisir l’Univers-Dieu. Moins scandaleux que Le voyage des morts ou L’apprenti sorcier, Domme ou l’essai d’occupation est l’un des textes les plus aboutis d’Augiéras. Le ton qu’il y adopte, étrangement rationnel pour justifier une conduite foncièrement asociale et suspecte, comporte des accents bouleversants. Augiéras a bien fait de parler d’un « essai d’occupation » parce que, dans sa singularité, il demeure conscient qu’on ne se soustrait pas impunément à l’opinion des hommes et que son mode de vie fait de lui un sursitaire ; on le condamnera tôt ou tard, il pressent que son style de vie choque même si l’écho ne lui en parvient pas. Il s’agit sans conteste, avec Une adolescence au temps du Maréchal, du plus accessible des écrits d’Augiéras.
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