Commençons par le commencement : « Entre protection de l’enfance et suspicion généralisée, tous les partenaires de l’éducation se cherchent aujourd’hui ». Edwige Antier, qui conseille les parents dans ses nombreux ouvrages et ses émissions sur FranceInter et FranceInfo, a tout à fait raison : personne ne sait plus où donner de la tête. Et ça ne vaut pas que pour son pays, adepte de la fessée et de la psychanalyse. Chez nous, au milieu des débats actuels souvent mal ciblés autour de la DPJ, des propos de nos bardes nationaux – Gilles Proulx, Jeff Filion, Doc Mailloux (jusqu’à Jean Charest qui s’y met sans vergogne) -, du corporatisme de trop d’enseignants et de l’individualisme jouissif galopant, ce ne sont certes pas les simplistes hypothèses concernant la prétendue chute de la métaphore paternelle qui vont nous avancer à quoi que ce soit. Les pédophiles, les criminels et les laudateurs patentés étant devenus des stars au nom du droit à la liberté d’expression, comment être parent sans sombrer dans le pessimisme ?
On sait que c’est au cours des années 1970 que Françoise Dolto, la grande dame de la psychanalyse française de l’époque, élabore une œuvre clinique et théorique à laquelle nous devons encore nous rendre. Celle qui aura été le plus loin dans le traitement et la prévention des troubles précoces de l’enfance ainsi que dans la transmission aux analystes et au public d’une écoute et d’une parole de vérité au sujet de l’existence des tout petits se retrouve aujourd’hui ridiculisée par des propos d’une imbécillité sans bornes, comme on a pu le lire récemment dans Le livre noir de la psychanalyse.
Heureusement, Edwige Antier tente de faire le point sur ce qu’a dit et n’a pas dit Françoise Dolto, belle manière de maintenir vivant son héritage alors qu’on tente aujourd’hui de bâillonner les enfants. Tâche délicate car elle doit commencer par rétablir les faits : non, Dolto n’a jamais prétendu qu’il fallait tout dire à l’enfant, mais bien tout lui dire de ce qui le concerne. De même, elle n’a jamais soutenu l’enfant roi tyrannique. Au contraire, les castrations symboligènes sur lesquelles elle mit tant l’accent sont là pour poser des interdits permettant au petit d’homme d’élaborer psychiquement son avenir. Ainsi de suite
D’une lecture agréable, ce petit ouvrage vient faire dignement réfléchir tous les parents dépossédés d’eux-mêmes. De la question du mensonge à celle de l’adoption en passant par la jalousie, les rivalités fraternelles, la sexualité et la garde partagée, c’est d’une rééducation complète de la société qu’il s’agit. Cela s’appelle penser. On en a peut-être perdu l’habitude.