Le 7 septembre 1907, une émeute éclate à Vancouver : les ouvriers en ont assez de voir les Japonais venir voler leurs emplois. Que cette accusation soit fondée ou non, c’est le paroxysme d’une tension qui règne depuis trop longtemps, et le gouvernement de Wilfrid Laurier se dit qu’il n’a pas le choix et qu’il doit négocier avec le Japon la limitation de son émigration. Le problème : la politique étrangère canadienne, à l’époque, relève directement de Londres. Le Canada n’a pas d’ambassadeur au Japon.
Qu’à cela ne tienne, Laurier est depuis longtemps un tenant de l’autonomisation du Canada. L’occasion est belle : il déléguera un négociateur canadien officiel, au nez et à la barbe du Foreign Office.
Ce négociateur s’appelle Rodolphe Lemieux, ministre des Postes et du Travail.
Son mandat n’est pas facile, d’autant que le Japon est un pays lointain et inconnu. Il n’empêche, sa mission s’avérera un succès, et même si l’affaire n’aura pas été si simple au pays du Soleil-Levant, ses plus grandes difficultés résideront dans l’opiniâtreté désespérante de Laurier resté à Ottawa, avec qui il communiquera tant bien que mal par télégraphie.
Rodolphe Lemieux séjournera au Japon près de deux mois. C’est pour lui la découverte d’une civilisation étrangère au sens fort du mot, et sa correspondance nous la fait voir à travers ses yeux. Au-delà de la mission diplomatique, c’est surtout ce regard que René Castonguay nous transmet. L’ouvrage est donc composé de généreux extraits épistolaires portant sur la culture du Japon, son architecture, ses paysages, sa gastronomie, sa justice, son système d’éducation, sa population. Ce n’est qu’à la fin qu’on aura droit à un récit plus précis des négociations proprement dites et des malentendus avec Ottawa, où l’histoire prend presque des allures de suspense.
On pardonnera à l’auteur ses maladresses de traduction pour les quelques citations dont l’original est en anglais. Quant à son souci de souligner d’emblée les occasionnels accents racistes ou sexistes des propos de son diplomate, on ne lui en tiendra pas trop rigueur non plus : c’est une figure obligée de nos jours, et d’autres lui auraient reproché de ne l’avoir pas fait. Au total, on lui saura gré toutefois de nous avoir donné plus à voir le regard d’un Canadien français des années 1900 sur le Japon que le jugement d’un Canadien des années 2010 sur les Canadiens français des années 1900.
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